Gagner de l’argent, même lorsque les cours s’effondrent ? C’est possible, grâce à certains outils financiers très appréciés par les traders. Si vous faites partie des Français qui s’attendent à une chute des marchés boursiers au cours des prochains mois, voici 3 options pour protéger votre portefeuille.
Le CAC40 repasse au vert. Après plusieurs mois difficiles, l’indice phare de la place Paris est reparti à la hausse en octobre (+8,65%), porté par les bons résultats des entreprises. Depuis le 1er janvier, il a réduit ses pertes qui atteignent environ 11%. Pourtant, les nuages noirs s’amoncellent toujours à l’horizon, sur fond de guerre en Ukraine, de restrictions sanitaires en Chine, et de forte inflation. Résultat : « environ un tiers de l’économie mondiale » risque de subir une période de récession entre la fin de cette année et 2023, selon le Fonds monétaire international (FMI).
L’art du « hedging »
Alors comment protéger votre portefeuille contre un éventuel retournement des marchés ? La réponse, pour certains, passe par les produits dérivés : des instruments financiers dont la valorisation dépend d’un sous-jacent, c’est-à-dire une valeur mobilière ou un indice. « Il est possible, grâce à certains instruments financiers, de se couvrir contre une chute des cours », confirme Aldo Sicurani, délégué général de la Fédération des investisseurs individuels et clubs d’investissements (F2iC). C’est ce qu’on appelle le hedging, une stratégie qui permet de limiter les pertes en cas de baisse des marchés.
Mais si on anticipe une baisse des cours, pourquoi ne pas vendre, tout simplement ? C’est effectivement une possibilité. Toutefois, « beaucoup d’investisseurs n’aiment pas sortir complètement des marchés. Il est parfois difficile de solder une position, même lorsqu’on sait que les prochains mois risquent d’être défavorables », explique Aldo Sicurani. Le hedging permet alors de rester exposé tout en limitant les pertes. Sans compter que vendre vos titres va générer des frais de courtage. A l’inverse, les produits dérivés sont souvent peu gourmands en frais.
« Les gérants de fonds utilisent presque systématiquement le hedging pour couvrir certaines de leurs positions. Mais ils ont pour cela recours à des produits de couverture sophistiqués, auxquels les particuliers peuvent rarement accéder », observe Aldo Sicurani. Si vous souhaitez vous essayer au hedging, 3 outils s’offrent à vous. Prudence toutefois, car tous présentent un risque élevé de perte en capital.
Outil #1 : les trackers inversés
Vous connaissez déjà les ETF (ou trackers) ? Très populaires auprès des investisseurs particuliers, ces fonds répliquent le cours d’un indice, comme celui du S&P 500, qui regroupe 500 des plus grandes entreprises américaines cotées en bourse. Autrement dit : chaque fois que le S&P 500 monte de 1%, la valeur de votre ETF augmente de 1%.
Les trackers inversés font la même chose, mais à l’envers. En ajoutant parfois un effet de levier, c’est-à-dire un multiplicateur de gains (ou de pertes). Par exemple, l’ETF BX4, émis par Société Générale, réplique la performance inverse du CAC40 avec un effet de levier de 2. Concrètement, chaque fois que le CAC40 perd 1%, le produit gagne 2%.
« L’utilisation d’un effet de levier permet de couvrir une position avec une somme plus faible », explique Aldo Sicurani. Sans effet levier, il faut par exemple 30 000 euros pour couvrir un portefeuille du même montant. Avec un effet levier de 10, il suffit de 3 000 euros. Mais plus l’effet de levier est élevé, plus les risques de perte en capital sont importants.
Sans compter que derrière leur apparente simplicité, ces produits présentent parfois des subtilités. « Le BX4 est par exemple calculé sur le CAC40 dividendes réinvestis. Autrement dit, si le CAC40 baisse de 0,5%, l’investisseur peut s’attendre à gagner 1%. Mais si ce même jour les grosses valeurs du CAC40 verse un dividende, le CAC40 dividendes réinvestis pourrait grimper à 0,1%. Auquel cas le BX4 baissera de 0,2% », prévient Aldo Sicurani.
Outil #2 : les turbos
Autre outil pour miser sur une baisse des marchés : les turbos (put). La principale caractéristique de ces titres : ils sont équipés d’une barrière désactivante. C’est-à-dire que si leur valorisation atteint un prix plafond (ou plancher), leur valeur tombe à zéro. Attention : en raison de leur nature hautement spéculative, les turbos sont réservés aux investisseurs avisés.
Pour bien comprendre leur intérêt : si vous souhaitez couvrir un portefeuille de 10 000 euros investi à 100% sur le CAC40, vous pouvez par exemple miser sur des turbos « put », c’est-à-dire négativement indexés sur le CAC40. Imaginons que vous achetez 200 turbos à 5 euros (soit 1 000 euros) avec un effet de levier de 10.
Si l’indice augmente de 10% et que la barrière désactivante est atteinte, vos turbos ne vaudront plus rien. Vous aurez donc perdu 1 000 euros. Mais le CAC40 aura augmenté de 10%, ce qui avec un portefeuille de 10 000 euros, représente 1 000 euros de plus-value. Inversement, si l’indice recule de 10%, la valeur de vos 200 turbos va passer de 5 à 10 euros, soit 1 000 euros de plus-value. Dans le même temps, vous aurez perdu 1 000 euros suite à la baisse de l’indice.
Toutefois, ces produits n’ont rien de miraculeux. « Les turbos peuvent être intéressants sur des périodes courtes, en cas de tendance baissière clairement identifiée. Mais l’effet de levier rend leur utilisation très risquée. En cas de retournement des marchés, les investisseurs peuvent perdre beaucoup d’argent », avertit Aldo Sicurani.
Outil #3 : les warrants
Pour finir, les warrants sont des produits dérivés qui donnent à leur détenteur le droit (et non l’obligation) de vendre (put) un actif sous-jacent à un prix fixé, appelé prix d’exercice. Et ce jusqu’à une date déterminée, appelée date d’échéance. Plus cette date approche, plus la valeur du warrant diminue.
Par exemple, vous achetez un put warrant avec comme sous-jacent une action Y. L’action Y cote à 30 euros. Le prix d’exercice du warrant est de 32 euros. Et la prime, c’est-à-dire le prix du warrant, est de 2 euros. Si l’action Y grimpe à 34 euros, vous n’avez pas intérêt à exercer votre warrant. Car le prix de l’action est supérieur au prix d’exercice. La prime de votre warrant sera donc nulle. En revanche, si l’action Y baisse à 28 euros, vous avez intérêt à exercer votre warrant, car le prix de l’action est inférieur au prix d’exercice. La prime de votre warrant sera alors de 4 euros, soit le prix d’exercice (32 euros) moins le cours de l’action (28 euros).
« A moins de bien connaître les mécanismes, mieux vaut éviter de trop toucher à ces produits », appuie Aldo Sicurani. « Si vous tentez l’expérience, n’y consacrez qu’une petite partie de votre portefeuille. Et fixez-vous un objectif précis en termes de gain ou de perte pour sortir au bon moment ».