Après avoir tenté de faire payer les constructeurs allemands, le gouvernement allemand pourrait-il être tenté de faire payer les contribuables ? Tel semble être le cas … puisque selon que le journal allemand Handelsblatt, l’Allemagne envisage d’imposer un post-équipement des véhicules diesel en circulation dans le pays, afin qu’ils satisfassent à la norme Euro 6. Le journal ajoutant que l’Etat pourrait avoir à financer cette mesure. L’Etat n’étant pas autorisé à jouer au loto ou au tiercé … ceci constitue donc une manière polie de dire que les contribuables allemands devront mettre la main au portefeuille. Fabuleux n’est-il pas ? Ou quand les victimes du dieselgate se voient au final contraintes de financer la remise à niveau de leurs véhicules, vendus d’entrée hors normes par les constructeurs, et ce, plus ou moins sciemment. Plutôt plus que moins d’ailleurs.
- Les consommateurs mis à contribution
Des mesures de tel ordre pourraient en effet voir le jour alors que l’UE fait pression sur le gouvernement fédéral en vue de rendre l’air des villes plus respirables. Désormais, les exigences des experts gouvernementaux allemands ont augmenté d’un cran. Ces derniers recommandent en effet que des remises à niveau des moteurs diesel soient réalisées à partir de l’argent des contribuables.
Selon les médias allemands, les propriétaires de voitures diesel pourraient être soumis à une nouvelle taxe afin de les inciter à réduire les émissions d’oxyde d’azote de leurs véhicules. D’après les éléments relayés par les journaux “Süddeutsche Zeitung” et Bayerischer Rundfunk, les experts gouvernementaux suggèrent que la remise à niveau soit intégralement réalisée, sous seule réserve de sa faisabilité.
C’est ce qui ressort en effet de l‘ébauche d’un rapport final destiné au gouvernement fédéral. Cette nouvelle exigence pourrait s’ajouter aux fonds publics et aux contributions financières des constructeurs. Précisons que ces derniers désapprouvent les remises à niveau – à leur compte – des équipements des anciens véhicules diesel, arguant de problèmes techniques et …. bien évidemment financiers. Berlin avait tout de même réussi à imposer des mises à jour logicielles sur 5 millions de véhicules, mesures jugées néanmoins peu efficaces. Mais désormais, ce serait donc aux consommateurs allemands d’assumer – financièrement – leur choix.
- Une stratégie intégrée dans l’accord de coalition
La Commission à l’origine de cette proposition est constituée de l’un des quatre groupes d’experts mis en place après le sommet du gouvernement fédéral sur le diesel, en août 2017. En 2018, l’Union démocrate-chrétienne (CDU/CSU) d’Angela Merkel et le parti social-démocrate (SPD) ont convenu dans leur accord de coalition d’oeuvrer sur les remises à niveau sur la base de cette recommandation d’experts. L’objectif du gouvernement fédéral est d’éviter autant que possible les interdictions de circuler de grande ampleur.
Dans un rapport remis en janvier au gouvernement, un expert de l’université technique de Munich recommande déjà d’imposer une intervention technique sur les moteurs visant à capter leurs émissions de dioxyde d’azote (NOx). Selon lui, cette opération permettrait de réduire de 90 % les émissions de NOx pour un coût moyen de 1.300 euros par véhicule. Un montant certes inférieur aux 1.500 à 2.000 euros évoqués jusque là, mais conduisant à une facture globale pouvant se chiffrer en milliards. L’agence Dow Jones indiquait alors que dans le cadre des négociations de coalition, le SPD proposerait que les constructeurs partagent la « douloureuse » avec les propriétaires de véhicules.
- Gratuité des transports en commun pour adoucir l’UE ?
La publication du rapport cité par Handelsblatt intervient alors que le gouvernement allemand a tenté de minimiser mercredi la portée de sa proposition de rendre gratuit les transports en commun. Des mesures destinées à réduire la pollution …. mais surtout à mettre en frein aux menaces de poursuites de l’UE.
Après publication mardi de cette proposition dans la presse, les porte-paroles de la chancellerie et du ministère de l’Environnement ont souligné qu’il n’y avait à l’heure actuelle ni projet concret, ni ville volontaire.
“C’est aux communes elles-mêmes de décider si elles veulent tenter l’expérience”, a ainsi déclaré lors d’un point presse le porte-parole du ministère de l’Environnement, Stephan Gabriel Haufe. Ajoutant : « si les communes veulent la gratuité des transports en commun urbains, elles viendront nous voir et nous verrons si c’est faisable”.
De son côté, Steffen Seibert, le porte-parole d’Angela Merkel, a souligné que le gouvernement allemand n’était pas tenu à l’heure actuelle de proposer de mesures en vue d’une mise en œuvre concrète. Selon lui, Berlin n’a comme seule obligation d’adresser une liste de propositions à la Commission européenne pour tenter de la convaincre de ne pas saisir la Cour européenne de justice suite au niveau de pollution excessif constaté dans de nombreuses villes allemandes.
“Nous sommes dans un processus de dialogue avec la Commission européenne, la Commission voulait de nous une liste de mesures et c’est ce qu’on a fait”, a par ailleurs déclaré Steffen Seibert.
A noter qu’aucun modèle de financement n’est prévu dans l’immédiat. Or, il semble bien qu’encore une fois, en toute logique, cela soit le nerf de la guerre …
- Tenter à tout pris d’éviter l’interdiction des diesel
Il est vrai que l’enjeu est crucial tant pour le gouvernement allemand que pour l’industrie automobile d’outre Rhin. Les deux parties devant in extremis trouver quelques mesures, pour ne pas dire quelques astuces – voire donner quelques os à ronger à Bruxelles – pour éviter l’interdiction de circulation des véhicules diesel.
Or, le 22 février prochain, le tribunal administratif fédéral pourrait confirmer un jugement du tribunal de Stuttgart donnant raison à une organisation écologiste ayant réclamé l’interdiction des voitures diesel dans ses rues.
Selon une étude du Centre de recherche automobile (CAR) de l’université de Duisbourg-Essen, au moins dix villes pourraient être contraintes d’interdire la circulation des voitures diesel dans leurs rues, dont Munich et Stuttgart.
« Ca m’étonnerait qu’on survive à l’année 2018 sans aucune interdiction de circulation », estime même Helmut Dedy, directeur général du Congrès des villes d’Allemagne.
Sources : Handelsblatt, Süddeutsche Zeitung, Bayerischer Rundfunk, AFP, Dow Jones, Les Echos
Elisabeth Studer – 17 février 2018 – www.leblogfinance.com
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