La consolidation boursière, tout particulièrement aux Etats-Unis, était attendue par les investisseurs. La difficulté en la matière est, évidemment, d’anticiper le début du mouvement. Chaque expert aura son explication, mais la publication vendredi dernier des chiffres de l’emploi du mois de janvier a clairement été un élément déclencheur. La forte progression des salaires horaires de 2,9% en glissement annuel a été le signe d’un marché du travail beaucoup plus tendu que certains voulaient le croire et surtout laissé entendre que la fameuse courbe de Philipps -qui relie inversement taux de chômage et inflation- allait bientôt reprendre du service. Cet élément annonciateur d’une Fed plus « faucon » en 2018 que l’an passé, couplé à une réévaluation de l’impact de la réforme fiscale américaine, davantage de déficit commercial et surtout budgétaire- ont poussé les rendements obligataires vers le haut et les cours des actions vers le bas.
Trois phases
Le mouvement de correction peut ainsi être découpé en trois phases :
Un. Les rendements obligataires se tendent progressivement partout dans le monde, aux Etats-Unis et en Europe. Personne ne s’inquiète, car les nouvelles conjoncturelles sont bonnes. La Bourse continue à surfer sur des perspectives économiques bien orientées. Les prix des actions et des obligations -ces derniers évoluent en sens inverse des rendements obligataires (lire l’encadré ci-dessous)- sont décorrélés.
Deux. La Bourse se stabilise, puis vendredi, des doutes s’installent sur les futures décisions monétaires de la Fed. Devra-t-elle accélérer la hausse de ses taux directeurs ? Les rendements obligataires se tendent alors plus vivement et les Bourses reculent.
Inquiets, les investisseurs vendent leurs actifs financiers : actions et obligations. Leurs prix chutent et une corrélation forte apparait. C’est dans ce type de situation qu’un mouvement de panique peut se mettre en place.
Trois. La raison l’emporte. Les obligations retrouvent en début de semaine (vendredi soir aux Etats-Unis) un certain rôle de valeur refuge. Les obligations rebondissent alors que les actions continuent à reculer. La décorrélation est de retour.
Quatre. Le quatrième mouvement pourrait être une stabilisation, voire un rebond, des Bourses. Et les rendements obligataires repartiraient alors progressivement vers le haut. Leur niveau reste faible au vu de la position de l’économie américaine dans le cycle économique. Cela est d’autant plus frappant si l’on observe leur niveau en termes réels (inflation déduite) : 0,6% à dix ans. Dans la zone euro, le constat est pire encore : -0,6% pour les taux à dix ans allemands.
Liquidité mondiale
Les rendements à long terme sont déterminés par les politiques monétaires des banques centrales qui pilotent les taux courts mais aussi, ces dernières années, la partie longue de la courbe de taux par les achats de titres financiers dans le cadre de leurs politiques d’assouplissements quantitatifs (les fameux QE). La Fed a arrêté ses achats de titres et commencé la réduction de son bilan. Elle augmente aussi ses taux directeurs. Tout ceci pousse évidement les rendements obligataires vers le haut. Mais la liquidité mondiale (avec les actions des banques centrales du Japon et de la BCE) continue, elle, à progresser vivement, plafonnant les taux longs en dollar et aussi en euro. C’est le rapport de force entre ces évolutions opposées -resserrement des conditions monétaires aux Etats-Unis- et liquidité mondiale qui, pour beaucoup d’économistes, dictera la vitesse et l’ampleur de l’ajustement des marchés obligataires et des actions.
Des effets positifs
Cette consolidation n’a pas que des effets négatifs. Le billet vert a repris un peu de vigueur après des mois de repli. Le dollar a joué son rôle de valeur refuge. C’est un élément favorable pour l’expansion dans la zone euro, car le repli du dollar (appréciation de l’euro/dollar) correspond à un durcissement des conditions monétaires pour les économies de la zone euro. En outre, les cours du pétrole ont également quelque peu fléchi.
Prix et rendement inversement proportionnels
Les rendements obligataires évoluent en fonction inverse des prix des obligations par un simple calcul actuariel. Si le prix d’une obligation baisse après son émission, alors un investisseur qui en ferait l’acquisition paierait un prix inférieur à celui de remboursement (identique à celui d’émission). Il toucherait ainsi un gain supplémentaire en plus des intérêts associés à la détention de l’obligation. Son rendement serait donc supérieur à celui proposé à l’émission. Par mécanisme de marché, tous les rendements d’obligations similaires évolueraient alors dans le même sens. En revanche, si des investisseurs vendaient par exemple des actions pour acheter des obligations, les prix de ces dernières augmenteraient conduisant à des rendements en baisse.