« Vendre en mai ? », telle était la question posée lors de la conférence de presse de ce début du mois de mai organisée par J.P. Morgan Asset Management et orchestrée par le stratégiste Vincent Juvyns. Après une année 2020 hors normes à tous niveaux, à l’issue de laquelle le Cac 40 a terminé en repli de 7,14%, l’indice phare a clôturé le mois d’avril 2021 en progression de 3,3% et grimpe désormais de près de 14% depuis le 31 décembre.
La question de vendre se veut d’autant plus légitime que les exigences à venir des investisseurs sont renforcées par les publications trimestrielles satisfaisantes des sociétés du Cac 40. Les arbres ne montent, certes, pas jusqu’au ciel, mais les alternatives au marché actions sont moins nombreuses. « Vendre pour se constituer un portefeuille obligataire ou conserver son cash ? Ce n’est pas un bon calcul », d’après Vincent Juvyns. Le moment n’est sans doute pas optimal pour entrer en Bourse bien que le stratégiste envisage « un plateau élevé » d’ici les prochains trimestres.
Le salut pourrait venir des dividendes davantage que des prix en 2021 : de nombreuses sociétés, qui ont renoncé à en verser en 2020, par nécessité ou obligation des pouvoirs publics, devraient en octroyer cette année. Son maître-mot en 2021 ? « Capter les vents de manière diversifiée aux Etats-Unis et en Europe ».
Les bonnes performances des Etats-Unis devraient ruisseler en Europe
La réunion a aussi été l’occasion de faire le point sur la situation macroéconomique. Le stratégiste table sur une « réouverture franche » des économies développées au second semestre. A l’image des Etats-Unis, ces pays passent du mode « off à on », caractérisé par une consommation accrue. Après un indice PMI Markit IHS des directeurs des achats du secteur manufacturier à 60,5 points en avril, largement au-delà de la barre des 50, qui marque la frontière entre contraction et expansion de l’activité, les Etats-Unis ont affiché, ce mercredi, un record historique de l’indice PMI dans les services, à 64,7.
« Cet indicateur au caractère prédictif vient conforter ce que l’on voit sur le plan sanitaire, explique Vincent Juvyns. L’économie américaine est sous stéroïdes », dopée par l’activisme budgétaire de l’administration (chèques aux ménages). Ce dernier est couplé à une politique monétaire ultra-accommodante (120 milliards de dollars d’achats d’actifs par mois). Ces armes de relance massives devraient permettre aux Etats-Unis de flirter avec une croissance de 7% en 2021.
Mais elle détériorera sa balance commerciale, d’après notre expert : « La consommation américaine va se détourner vers l’import et se diffuser à l’international. La crise sanitaire ne donnera pas lieu à une démondialisation, même si des chaînes logistiques devront se remettre en place ». Autre fait marquant, relevé par Vincent Juvyns : l’épargne excédentaire représente 7% du PIB aux Etats-Unis. Une mine d’or dont ne devrait pas se priver la croissance de l’Union européenne en 2021, laquelle devrait avoisiner 5% à 6%.
Une inflation à moyen terme semblable aux scénarios d’avant-crise
Sur le front de l’inflation, qui cristallise le débat, la vraie question n’est pas, selon lui, de savoir si elle reviendra cette année mais à plus long terme : 2, 5, 10 ans ? Aux deuxième et troisième trimestres 2021, la hausse des prix devrait être significative. « A court terme, l’effet disruptif sur les chaînes engendrera des frictions, tout le monde voudra la même chose », explique-t-il. A moyen terme, la société de gestion opte pour une tendance inflationniste similaire à ses prévisions d’avant crise. C’est du marché immobilier que viendra une hausse des prix durable. Bien que l’intervention de Janet Yellen, secrétaire au Trésor américain, sur une éventuelle hausse des taux pour éviter une surchauffe de l’économie, ait semé le trouble ce mardi, le stratégiste se range en faveur du statu quo. Quant au rendement des emprunts d’Etat américains à 10 ans, il pourrait atteindre 2% d’ici la fin de l’année, « bien loin des 3% en 2013 ».
J.P. Morgan Asset Management déconstruit, en revanche, une idée reçue : l’augmentation de la masse monétaire est corrélée avec une classe d’actifs plus risquée, mais pas l’inflation. Le budget alloué à la recherche de la société, qui emploie 100 analystes à temps plein, est de 150 millions d’euros par an. Elle surfe sur la tendance ESG (environnement, société et gouvernance) grâce au lancement d’une vingtaine de produits « sustainable ».