C’est l’un des grands rendez-vous de la semaine. Tout à l’heure sera publié l’indice des prix à la consommation aux Etats-Unis pour le mois de mars. La question est de savoir si, dans la première économie mondiale, après toutes les mesures de relance et les chèques envoyés aux Américains, l’inflation reste bien sous contrôle. L’interrogation est d’autant plus d’actualité que, la semaine dernière, les chiffres des prix à la production ont fait montre d’une augmentation bien plus forte que prévu (+1% contre +0,4% attendu par les économistes). Les boursiers, à l’affût de tout indice qui les renseigneraient sur un futur resserrement monétaire de la part de la Réserve fédérale américaine, veulent maintenant savoir si les entreprises ont commencé à passer le renchérissement des coûts de production dans leur prix de vente. Verdict à 14h30.
« Le taux annuel d’inflation va connaître une forte accélération dans les trois prochains mois. Ce n’est pas une prévision, c’est une certitude », indique-t-on au sein de la division recherche de la banque privée Oddo BHF. Dans une note, l’équipe dirigée par l’économiste Bruno Cavalier explique qu’« en mars, avril et mai 2020, du fait des perturbations causées par la pandémie, les prix à la consommation avaient baissé, ce qui est anormal. L’effet de base un an plus tard va être maximal. Aujourd’hui, la demande se redresse. Il y a de fortes pressions sur les prix d’input [coûts de production]. La répercussion sur le PPI [l’indice des prix à la production], puis sur le CPI [prix à la consommation], est en général atténué et lente, sauf dans le cas des prix de l’essence et plus largement des prix de de l’énergie. Aux Etats-Unis, le prix moyen d’un gallon d’essence a augmenté de près de 10% entre février et mars, il est en hausse de plus de 40% sur un an. En mars, l’inflation du CPI devrait bondir de près d’un point, jusque vers 2,5% sur un an. La hausse va se poursuivre au deuxième trimestre par suite des effets de base. En se calant sur l’évolution-type des prix de biens et services, on peut s’attendre à une inflation montant jusque vers 4% en mai, ce qui selon nous sera le pic, avant de refluer au-dessous de 3% en fin d’année. Ce sursaut d’inflation est désormais largement attendu par les marchés financiers et par les banquiers centraux. »
« L’inflation constitue une source d’alpha »
« C’est le cycle qui se réveille », apaisent les stratégistes actions Sylvain Goyon et Stéphane Houri de la même banque. « Pas de panique […]. Le retour (durable ou non) de l’inflation n’est pas forcément une mauvaise nouvelle pour l’investisseur lorsqu’elle reflète la réouverture de l’économie. L’inflation constitue une source d’alpha puisque toutes les entreprises n’y réagissent pas de la même façon. » Avec le concours de l’ensemble des analystes financiers d’Oddo BHF, ils ont identifié des secteurs et des entreprises qui vont profiter du retour de l’inflation. « En profiter revient à favoriser le pricing power [capacité à relever les prix de vente] et le levier opérationnel. » Oddo BHF recommande de « privilégier les secteurs cycliques, à coûts fixes élevés et bien positionnés sur la chaîne de valeur ajoutée. […] Une analyse des périodes d’accélération de l’inflation enregistrées depuis 1997 met en évidence la surperformance des secteurs [comme] la chimie, la consommation discrétionnaire (luxe), les biens d’équipement, les mines et métaux, les matériaux de construction, la technologie, la santé, les aliments de base (spiritueux) et l’énergie (pétrole). »
Les tensions sur les prix générées par la réouverture de l’économie sont favorables aux fournisseurs d’intrants (matières premières, acier, pétrole, matériaux de construction, chimie, semi-conducteurs, électricité). Par exemple, pour ne citer que des noms bien connus en France, Total, ArcelorMittal et EDF devraient en profiter. « Dans les semiconducteurs, cette situation est plus durablement favorable aux équipementiers [comme ASML] qu’aux fabricants, exposés à l’automobile et aux MCU (Infineon, STMicroelectronics), qui ne bénéficient que temporairement de hausses de prix et d’impacts positifs sur les marges. » Et en dépit de l’augmentation des prix du pétrole, Saint-Gobain, LafargeHolcim ou le chimiste Solvay pourront quant à eux profiter de leur « pricing power ». « Parmi les consommateurs d’intrants, les effets sont disparates. L’automobile, dont les équipementiers, souffre non pas tant des hausses des prix de semis que de leur pénurie : privilégier les pneumaticiens (Michelin, Pirelli) versus les équipementiers (Valeo, Continental). »