Savez-vous que le 22 mars a été érigé par l’ONU en Journée mondiale de l’eau ? Elle est l’occasion de revenir sur cette ressource d’autant plus précieuse que le réchauffement climatique va la rendre encore plus rare dans des régions déjà en situation de stress hydrique, comme nous l’ont rappelé les incendies en Australie et en Californie. Pourtant, « nous sommes dans une situation paradoxale : il y a beaucoup d’eau sur terre, mais l’eau douce ne compte que pour 3% », fait remarquer Estelle Brachlianoff, directrice générale adjointe de Veolia. Et l’eau potable pour seulement… 0,25%.
Cet or bleu est aussi sous la pression de « mégatendances démographiques », ainsi que les décrit Cédric Lecamp, gérant du fonds Pictet Water. La planète comptera près de 10 milliards d’habitants en 2050, dont 70% vivront en zone urbaine.
Réseaux vétustes
« Plus les gens se concentrent en ville, plus l’augmentation des déchets et des eaux usées est exponentielle. Il faut revaloriser ces flux de déchets et d’eau. » En particulier dans les grands émergents comme l’Inde et la Chine, où « la consommation d’eau s’accroît avec le niveau de vie », rappelle Alexandre Jeanblanc, gérant du fonds BNP Paribas Aqua. Nos contrées plus matures ont d’autres handicaps : « Dans bon nombre de pays développés, les réseaux de distribution d’eau sont obsolètes. A New York, Londres, Rome, leur taux de fuite est de 40% à 45% contre une moyenne de 20% à 25%. Il va falloir investir, d’autant qu’il existe aujourd’hui des systèmes connectés très sophistiqués pour détecter ces pertes », poursuit le gérant. Quand les investissements ne sont pas imposés aussi par la réglementation, en particulier pour les déchets dangereux, ou sous la pression de populations inquiètes de résidus médicamenteux dans l’eau potable.
Quand la terre est à sec et que le recyclage des eaux usées atteint ses limites (un pays comme Israël les recycle déjà à 80%), il reste la mer et les usines de dessalement, pour lesquelles la demande est repartie depuis deux ou trois ans, mentionne Veolia. Ces unités, coûteuses et énergivores, ont bénéficié de la baisse du prix des énergies, y compris celui des énergies vertes, et des progrès technologiques. De 1,50 € le mètre cube d’eau il y a vingt ans, le prix est tombé à 0,60-0,65 €, indique Jean-Marc Boursier, le directeur des opérations de Suez. Si les coûts se réduisaient encore, l’eau dessalée pourrait même être utilisée pour l’irrigation.
Des champions mondiaux, Veolia et Suez
Pour Cédric Lecamp (Pictet AM), les investissements émaneront surtout d’acteurs du privé, au moins sur le long terme. « Les municipalités ont des budgets contraints. De plus, la technologie et l’innovation sont plutôt du côté des entreprises. » Selon des estimations relayées par Alexandre Jeanblanc, «nous pensons que le monde de l’eau offre une croissance de l’ordre de 8% par an pour une période de vingt à trente ans ».
Ce marché se situerait autour de 600 à 650 milliards de dollars, réparti entre les dépenses d’infrastructures pour 50%, le traitement pour 30% et les « utilities » pour 20%, où se rattachent les champions mondiaux français (Veolia et Suez), bien placés pour tirer parti de la croissance du marché. La France compte peu d’acteurs de l’eau cotés, contrairement aux Etats-Unis, mais trois nouveaux venus dans le traitement, Bio-UV Group, UV Germi et Orège, entendent bien profiter de cet or bleu.