Le géant pétrolier saoudien Aramco a confirmé jeudi être parvenu à lever 25,6 milliards de dollar pour ce qui va devenir la plus grosse introduction en Bourse de l’histoire.
Aramco dépasse ainsi les 25 milliards de dollars levés par le groupe chinois du commerce en ligne Alibaba en 2014 lors de son entrée à Wall Street.
Des sources proches du dossier à New York avaient annoncé plus tôt à l’AFP que le groupe saoudien avait levé 25,6 milliards de dollars à l’issue de la période de souscription et ferait ses premiers pas sur la Bourse de Ryad le 12 décembre.
Les fonds levés valorisent l’entreprise saoudienne à 1.700 milliards de dollars, loin devant Apple (1.200 milliards), Microsoft (1.140 milliards) et Alibaba (1.051 milliards).
C’est toutefois moins que les 2.000 milliards de dollars visés par le prince héritier Mohammed ben Salmane à l’annonce du projet il y a quatre ans, avant que celui-ci ne soit repoussé à deux reprises, en raison de conditions de marché défavorables. A l’origine, le royaume espérait lever 100 milliards de dollars.
Dans son communiqué, Aramco a confirmé que l’entreprise cèderait –après avoir rempli tous les prérequis légaux– 3 milliards d’actions, soit 1,5% de son capital, au prix unitaire de 32 riyals (8,53 dollars).
C’est le haut de la fourchette de 30 à 32 riyals que s’était fixée le mois dernier le groupe, alors que les grandes banques conseillant l’entreprise dans cette transaction avaient demandé aux autorités saoudiennes d’être prudentes afin d’éviter les secousses lors des premiers jours de cotation.
– Surévaluer –
Le fleuron de l’économie saoudienne a indiqué que 119 milliards de dollars avaient été souscrits, dont 106 par des investisseurs institutionnels qui avaient jusqu’à mercredi pour faire leurs offres, soit un taux de sursouscription de 4,6 fois l’offre initiale.
Un succès modéré comparé à l’introduction de la National Commerce Bank en 2014 : le nombre d’actions souscrites avait alors atteint plus de 23 fois le nombre de titres proposés à Ryad.
Ce sont principalement les Saoudiens qui ont souscrit à cette opération, les grands investisseurs étrangers s’interrogeant sur la gouvernance, la capacité du groupe à protéger ses installations pétrolières et la pérennité de ses bénéfices face au durcissement des politiques environnementales à travers le monde.
Certains investisseurs étrangers se demandent s’ils auront leur mot à dire sur la gouvernance vu l’emprise du gouvernement saoudien sur l’entreprise, tandis que d’autres jugent Aramco surévalué comparé à des rivaux comme ExxonMobil, Royal Shell Dutch ou encore Chevron.
La semaine dernière, l’entreprise a annoncé que les souscriptions des particuliers, terminées le 28 novembre, avaient atteint environ 11,5 milliards d’euros, avec près de cinq millions de souscripteurs.
Pour inciter les Saoudiens à acheter des titres, de nombreuses initiatives avaient été lancées, comme la facilitation des prêts proposés par les banques et des discours nationalistes érigeant l’investissement en devoir patriotique.
Certaines des familles les plus riches d’Arabie saoudite ont été poussées à investir.
Aramco a également fait miroiter aux investisseurs locaux des promesses de dividendes plus élevés et la possibilité d’obtenir gratuitement d’autres actions s’ils conservent leurs titres un certain temps. Il promet 75 milliards de dollars de dividendes en 2020.
– Surallocation –
Les fonds levés par Aramco lors de son entrée en Bourse doivent servir à financer la diversification d’une économie aujourd’hui ultra-dépendante de l’or noir.
Dans son communiqué, le mastodonte pétrolier annonce que 450 millions d’actions supplémentaires pourraient être vendues dans le cadre d’une option de surallocation, ce qui porterait le montant levé à 29,4 milliards de dollars si celle-ci est totalement exercée.
Aramco est le joyau économique de l’Arabie saoudite et produit environ 10% du pétrole mondial, de sorte qu’acheter des titres de la société revient à faire un pari sur la hausse des prix de l’or noir. L’entreprise est considérée comme le pilier de la stabilité économique et sociale du royaume.
L’Arabie saoudite a ainsi tout intérêt à voir les prix du pétrole progresser, ce qui pourrait être garanti par une réduction supplémentaire de la production des 14 pays membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et leurs dix partenaires.
L’Opep et ces derniers mènent ce jeudi et vendredi à Vienne en Autriche des discussions délicates pour décider s’ils doivent aller un cran plus loin.
En attendant, Aramco a annulé, pour le moment, les plans d’introduction aux Etats-Unis, en Europe ou en Asie et renoncé au projet de céder 5% de son capital.