ATR revoit son plan de vol à la hausse

Un trou d’air, et ça repart. Après une année 2020 cauchemardesque, plombée par le Covid
(seulement 3 commandes et 10 livraisons), l’avionneur toulousain ATR n’a pas tardé à reprendre de l’altitude. Le spécialiste des avions régionaux à hélices a bouclé l’année 2021 avec 31 livraisons et 35 commandes au compteur. Un rebond impressionnant que le groupe compte bien prolonger. “Nous anticipons une croissance continue de notre activité ces prochaines années, avec une cinquantaine de livraisons prévues en 2024”, indique Stefano Bortoli, PDG de l’avionneur. Même la guerre en Ukraine n’affole pas outre mesure le dirigeant. “Si le marché mondial dévissait, nous pourrions être touchés, estime Stefano Bortoli. Mais notre modèle économique est très résilient. Avec une présence chez 200 clients dans 100 pays, nous ne sommes pas dépendants d’une compagnie ou d’une zone en particulier.”

Un peu plus de quarante ans après sa création, en novembre 1981, ATR s’est imposé comme le leader mondial incontesté de l’aviation régionale. Si elle reste largement dans l’ombre de son grand frère Airbus, la coentreprise, détenue à parité par l’avionneur européen et l’italien Leonardo, affiche une part de marché de 36% sur le segment des appareils de 30 à 78 sièges. Le chiffre passe même à 75% sur le marché des avions à hélices, les turbopropulseurs.

La recette? Imparable: ATR propose deux modèles d’appareils, l’ATR 42 (30-50 sièges) et l’ATR 72 (50-78 sièges), qui consomment 40% de carburant de moins que les avions à réaction de taille comparable. S’ils sont un peu moins rapides que les jets, la différence de temps de vol n’est que de quelques minutes sur les liaisons les plus fréquentes, entre 300 et 500 kilomètres.

Leader actuel du marché

Le modèle industriel est bien rodé. Le fuselage et l’arrière de l’appareil sont conçus par Leonardo à Pomigliano, près de Naples. Les ailes sont fabriquées par Airbus Atlantic, filiale d’Airbus, près de Bordeaux.

Le moteur Pratt & Whitney est canadien, avec des hélices fabriquées dans le Lot par Ratier Figeac. La ligne d’assemblage final, elle, est à Toulouse. ATR ressemble ainsi à un petit Airbus, avec encore plus d’avance sur la concurrence que son grand frère. “ATR est leader du marché avec une marge très importante , souligne Richard Aboulafia, associé au cabinet américain AeroDynamic Advisory.

Son grand concurrent, le Dash 8 de De Havilland, a vu ses positions s’éroder depuis des décennies et semble en train de mourir. L’autre acteur du marché, le MA700 chinois, est aussi très mal en point.” Seul le brésilien Embraer, qui réfléchit au lancement d’un appareil à hélices (voir encadré), pourrait vraiment menacer le groupe franco-italien.

Le fret, relais de croissance

ATR n’a pas relâché son effort pour autant. Pour ne pas dépendre du seul marché passagers, le groupe a mis en service fin 2020 une version fret de son best-seller ATR 72, développée avec le géant Fedex, qui en a commandé 30 exemplaires, plus 20 en option. L’appareil, doté d’une grande porte cargo latérale et d’un plancher renforcé, affiche un volume de 75 mètres cubes, et de 9 tonnes de charge utile. “Le fret est un énorme relais de croissance: nous estimons le marché de cette gamme d’appareils à 460 appareils sur les vingt prochaines années”, indique Fabrice Vautier, directeur commercial d’ATR.

Pour surfer sur cette vague, le groupe a aussi accéléré sa politique de transformation d’avions passagers en appareils cargos. Poussé par l’excellente santé du marché du fret, le nombre de conversions a doublé entre 2020 et 2021, passant de 8 à 17.