Selon des analyses récentes, la quasi-totalité des bitcoins attribués aux réserves souveraines d’El Salvador proviendrait de Bitfinex, une plateforme d’échange de cryptomonnaies. Cette concentration suscite des questions quant au contrôle effectif de ces actifs numériques, certains chercheurs suggérant que l’administration de Nayib Bukele pourrait ne pas être la véritable détentrice de ces fonds.
Un rapport publié par le média salvadorien El Diario de Hoy, met en avant une enquête s’appuyant sur les travaux du chercheur Mario Gómez. Ce dernier avance l’hypothèse selon laquelle Bitfinex pourrait jouer un rôle plus central qu’annoncé, en facilitant la gestion des bitcoins d’El Salvador via des prêts ou des dons qui lui laisseraient un contrôle effectif sur ces fonds.
Le site officiel du gouvernement affiche un solde de 6 114,18 bitcoins, un chiffre qui coïncide avec les estimations fournies par la plateforme indépendante Nayib Tracker. Toutefois, ces informations se limitent à une simple indication du solde enregistré sur une adresse blockchain spécifique, sans préciser les modalités de gestion de ces actifs.
Des chercheurs ayant retracé l’origine des fonds estiment que 80 % des bitcoins stockés sur cette adresse proviendraient directement de portefeuilles sous contrôle de Bitfinex. Les 20 % restants, bien que transitant par la Chivo Wallet, seraient également issus de sources affiliées à Bitfinex, à l’exception d’un volume marginal ayant transité par Binance. Cette provenance soulève des interrogations sur la réelle autonomie d’El Salvador en matière de détention et de gestion de ses réserves numériques.
Relations financières étroites avec Bitfinex et Tether
Les liens entre l’administration Bukele et Bitfinex ne sont pas nouveaux. Dès les premières acquisitions de bitcoins par le gouvernement, Bitfinex a joué un rôle central en facilitant les opérations d’achat via un mécanisme de moyenne d’achat en dollars, qui a ensuite été abandonné.
Au-delà de ces transactions, les entreprises affiliées à Bitfinex ont obtenu des licences d’exploitation pour des services liés aux actifs numériques au Salvador. Elles ont notamment été impliquées dans le lancement des obligations Bitcoin, le financement du projet énergétique Volcano Energy, ainsi que la mise en place de produits dérivés en cryptomonnaies et de titres tokenisés.
Par ailleurs, Tether, l’émetteur du stablecoin USDT et entité sœur de Bitfinex, a récemment relocalisé son siège social à El Salvador. Plusieurs de ses dirigeants, dont Paolo Ardoino, Claudia Lagorio et Giancarlo Devasini, y ont également réalisé des investissements immobiliers.
Répercussions potentielles et cadre réglementaire
Ces nouvelles révélations interviennent alors qu’El Salvador vient de conclure un accord financier de 1,4 milliard de dollars avec le Fonds monétaire international (FMI). Dans ce cadre, le gouvernement s’est engagé à accroître la transparence sur ses acquisitions de bitcoins, à retirer son statut de monnaie légale et à suspendre de nouvelles acquisitions. L’examen approfondi des finances publiques sous l’égide du FMI pourrait ainsi apporter des éclaircissements sur la gestion effective des réserves en bitcoins du pays.
À ce jour, aucun élément tangible ne permet de confirmer de manière indépendante l’existence d’accords sous-jacents entre El Salvador et Bitfinex quant à la détention ou au contrôle des fonds. L’analyse des flux et des structures de détention de ces actifs numériques reste donc un sujet de surveillance pour les observateurs du marché et les instances internationales.