Pour maîtriser les dépenses de la Sécurité sociale, le gouvernement prévoit 1,1 milliard d’euros d’économies sur les médicaments et dispositifs médicaux en 2023. Les industriels, eux, estiment qu’ils seront lésés à hauteur de 3,5 milliards d’euros et en appellent à l’exécutif pour qu’il revoit sa copie.
La Big Pharma entame un bras de fer contre l’Etat. Par calculatrices interposées. En cause : le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), présenté lundi par le gouvernement, qui prévoit des économies à hauteur de 1,1 milliard d’euros sur les médicaments et dispositifs médicaux l’an prochain. Au total, l’enveloppe allouée aux dépenses de médicaments est fixée à 24,6 milliards d’euros en 2023, contre 26,4 milliards d’euros en 2022. Soit 1,8 milliard en moins, c’est-à-dire les fameuses économies de 1,1 milliard ciblant les industriels auxquelles s’ajoutent 720 millions d’efforts du côté de l’Assurance maladie pour mieux encadrer la pertinence des soins et des prescriptions. « Ce montant (…) semble sciemment fixé en deçà des besoins de la population », s’insurge le Leem, la Fédération des entreprises du médicament, dans un communiqué publié ce mardi, à l’issue d’une réunion de sa commission des comptes.
Car la clause de sauvegarde y est totalement sous-évaluée. En effet, dans la lignée de la croissance nette de leur activité ces trois dernières années (+6% par an), tirée par les thérapies innovantes coûteuses, les industriels s’attendent à enregistrer un chiffre d’affaires net de 28 milliards d’euros en 2023. C’est-à-dire excédentaire de 3,4 milliards d’euros par rapport à la limite fixée par le PLFSS. La ponction prévue par la « clause de sauvegarde » (au barème de 70%) atteindra donc 2,4 milliards d’euros… « Avec les économies prévues, ce sont donc plutôt 3,5 milliards d’euros qui sont pris sur le dos du médicament! »
La Première ministre, Elisabeth Borne, avait annoncé la couleur lundi, en amont de la présentation du PLFSS en conseil des ministres. « On peut tous constater qu’ils [les laboratoires pharmaceutiques, NDLR] ont réalisé un chiffre d’affaires important du fait de la crise sanitaire et donc aujourd’hui, je pense que c’est important qu’ils participent à l’effort », avait-elle justifié. Ce préavis n’a pas amorti le choc chez les industriels, qui ne digèrent pas d’être à nouveau présentés comme « les profiteurs du Covid », confie un responsable du secteur. Ils se sentent lésés face à ces mesures qui visent à redresser les comptes de la branche maladie de la Cnam, dont le déficit de 17,8 milliards d’euros en 2022 devrait être ramené à 6,8 milliards en 2023.
« Une politique de destruction de valeur et d’emplois »
« Ce projet tourne brutalement la page d’un quinquennat de réformes destinées à améliorer non seulement l’attractivité du pays mais surtout à assurer que nos concitoyens aient accès aux innovations et à un approvisionnement stable en médicaments », déplore Thierry Hulot, président du Leem, par ailleurs PDG de Merck en France, cité dans le communiqué. Il en appelle directement à Emmanuel Macron et au gouvernement pour revoir sa copie. Et ainsi, « faire le choix de l’innovation, de l’investissement et de la croissance, plutôt que d’opter pour une politique de destruction de valeur et d’emplois, qui pénalisera à terme la santé des Français ». Le conseil d’administration du Leem tiendra d’ailleurs ce mardi soir une réunion exceptionnelle « pour tirer toutes les conséquences des annonces du gouvernement ». En interne, on n’exclut pas des « décisions fortes » dans l’espoir de faire plier l’exécutif.
L’industrie pharmaceutique fragilisée par l’inflation
Ces décisions budgétaires interviennent alors que la crise du Covid-19 n’est pas encore terminée et que l’industrie pharmaceutique, comme beaucoup d’autres, est frappée de plein fouet par l’inflation. Les principes actifs ont vu leur prix d’achat augmenter de 31% en moyenne, selon les calculs du Leem, tandis que les excipients (+24%) et les solvants (+77%) ont aussi grimpé. De même pour l’aluminium pour les blisters de comprimés qui lui coûtent 23% de plus en moyenne, ou encore les caisses en carton (+ 262%) et les étiquettes (+14%). « La survie de nombreuses PME qui produisent des médicaments indispensables est en péril », alerte la fédération.