La hausse des taxes sur les carburants n’aurait pas été motivée par des raisons écologiques, mais pour financer la fin de la taxe d’habitation. C’est en tout cas ce qu’affirme François Carlier, le délégué général de l’association de défense des consommateurs Consommation Logement Cadre de vie (CLCV), depuis ses déclarations jeudi soir sur France Info. Malgré les démentis du ministre de l’Ecologie François de Rugy, le représentant de la CLCV, confirme à Challenges que c’est bien sous cet angle que le gouvernement lui avait présenté le projet.
Challenges – Comment le gouvernement a-t-il présenté la hausse de la taxe sur les carburants à votre association ?
François Carlier – C’était le 11 septembre dernier, à 11h, au cours d’une réunion qui a eu lieu à Matignon. Notre association avait été reçue dans une antichambre par un conseiller. Sur la carte de visite que j’ai sous les yeux, il est écrit que cette personne est chargée de traiter des questions de ” prélèvements obligatoires ” au cabinet ministériel.
Il s’agissait d’une discussion orale, les échanges étaient cordiaux et décontractés. Nous étions venus avec l’espoir de geler la hausse de la taxe prévue pour janvier 2019, ou de la limiter. Pas forcément de la supprimer totalement. Nous avions déjà publié des communiqués de presse pour prévenir des risques pour le pouvoir d’achat d’une telle mesure en mai, en août et septembre.
Pourquoi vos revendications n’ont pas été écoutées ?
Le conseiller de Matignon nous a gentiment répondu, mais fermement, qu’il ne serait pas possible de remettre en cause la hausse des taxes, qui touchent les carburants mais aussi le fioul. Il nous a été expliqué que le gouvernement avait des ” engagements budgétaires ” qui rendaient impossible un retour en arrière. On nous a clairement dit que la hausse de la fiscalité sur les carburants devait servir à compenser la fin de la taxe d’habitation. Et il nous a été expliqué que la taxe sur les carburants serait même la seule taxe qui serait augmentée pour tenir ces engagements.
” On maintiendra la hausse au rythme prévu. Sinon on ne tiendra pas le budget “, nous a déclaré le conseiller. Il nous semblait évident que cette hausse prenait une telle place dans leur équation budgétaire qu’ils ne pourraient pas la remettre en question.
François de Rugy a pourtant démenti votre témoignage ce matin, et vous accuse de diffuser une “fake news”.
Je n’ai pas de preuve écrite de cet entretien. Mais à l’époque, ce discours qui nous a été tenu était beaucoup plus facilement assumé dans l’intimité d’un bureau ministériel. Le démenti du gouvernement est assez bizarre. D’un côté, on nous explique que les mesures du gouvernement sont favorables au pouvoir d’achat des Français et de l’autre, que la hausse des taxes, elle, se fait pour des raisons écologiques.
Ce qui est ” drôle “, c’est que cela fait plusieurs semaines que l’on cherchait à alerter sur la crise qui prend forme aujourd’hui. En 2017, moment où a été décidée une hausse de 3 centimes par an pour l’essence et de 6 centimes par an pour le diesel, le prix du baril n’avait pas encore flambé.
Or, tout le monde n’est pas impacté de la même façon par la hausse des prix des carburants. Les zones rurales et les foyers qui se chauffent au fioul sont plus touchés. Nous les avions prévenu qu’une hausse importante de la facture ne passerait pas chez les consommateurs. Quand on recharge une cuve de fioul de 1.000 litres, par exemple, si la facture passe de 700 euros à 1000 euros, c’est hyper visible.
Nous ne sommes pas fondamentalement contre une hausse des taxes carbone. Mais au vu de la flambée des prix du pétrole, il aurait probablement fallu ajuster la mesure. Au final, nous, on ne fait pas un drame de cette histoire. On pense juste qu’au lieu de nous accuser de véhiculer une ” fake news “, le gouvernement aurait mieux fait de nous écouter en septembre dernier.