Il y a ceux qui parlent de l’environnement et ceux qui agissent concrètement pour le préserver. Thibault Lamarque est résolument de cette deuxième catégorie. Le fondateur de Castalie accélère le développement de l’entreprise qu’il a créée en 2011 “pour mettre fin à la folie des bouteilles en plastique”. Tous les ans, ce ne sont pas moins de 89 milliards de bouteilles plastiques d’eau qui sont vendues dans le monde, soit 2.822 litres d’eau mis en bouteille chaque seconde, selon Planetoscope. Selon l’Institut français de recherche pour le développement (IRD), 1,5 million d’animaux meurent par ailleurs chaque année à cause de la pollution du plastique. Le verre ne trouve pas non plus grâce aux yeux de l’entrepreneur. “Une bouteille de San Pellegrino bue en Bretagne, c’est 3.000 kilomètres pour un contenant en verre à usage unique”, soupire-t-il.
Pour faire croître Castalie, il vient d’annoncer ce jeudi 4 juin une levée de fonds de 13,5 millions d’euros auprès de l’industriel Seb -via son fonds Seb Venture Capital- et de trois fonds spécialisés dans les projets “à impact”- Ring Capital, chef de file de l’opération, Amundi Finance et Solidarité et Raise Impact.
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Son intérêt pour l’eau remonte à loin: après ses études à Dauphine, il rédige un mémoire sur l’accès à l’eau dans les pays émergents. Fait ses classes chez le géant de l’eau et des déchets Veolia, où il passe cinq ans. Découvre le monde des PME chez le pionnier des produits équitables, AlterEco. Puis se jette… à l’eau en 2011 en créant Castalie avec 100.000 euros d’économies personnelles.
Un réseau de 700 chefs et hôteliers
Forte maintenant de 75 salariés, la petite société -qui ne communique pas sur son chiffre d’affaires- s’est développée en neuf ans à bas bruit et de façon très cohérente. Castalie s’enorgueillit de fournir aujourd’hui 2.000 clients dont la moitié des chefs du guide Le Fooding: 700 chefs et hôteliers ont adopté ses fontaines à eau, qui filtrent l’eau du robinet, en ôtent le chlore et les résidus de calcaire pour produire une eau neutre en goût, plate ou gazeuse. L’argument de vente de Castalie est d’abord écologique. “Pour un restaurateur, la vente de bouteilles d’eau minérale est une source importante de marges. En s’approvisionnant chez nous, un chef perd une partie de sa marge mais il réduit son empreinte écologique. Nous ciblons les restaurateurs engagés”, explique Thibault Lamarque.
700 chefs et hôteliers ont adopté les fontaines à eau Castalie, tout comme de nombreuses entreprises.
Les autres clients de Castalie sont les entreprises qui, à l’instar de LVHM, équipent leurs bureaux des fontaines Castalie. Sur la seule année 2019, Castalie a ainsi permis d’éviter la consommation de 24 millions de bouteilles en plastique. Auprès des entreprises, la jeune entreprise met en avant le design élégant de ses fontaines branchées au réseau profitant du déclin des bonbonnes à eau, un segment de marché très impacté par la polémique sur la présence de bisphénol A dans ces contenants en plastique.
Fabriquées en Italie et en France, les fontaines, qui se louent entre 150 et 200 euros par mois l’unité, ont été éco-conçues de façon à consommer moins d’énergie et contenir moins de métaux rares. Et elles garantissent aux consommateurs finaux une eau neutre en goût et saine. Les filtres sont changés quatre fois par an quand les concurrents se contentent d’un changement par an en moyenne.
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Castalie, qui a obtenu en 2019 l’exigeant label d’ESUS (Entreprise solidaire d’utilité sociale) s’attaque également au défi sociétal qu’est l’insertion professionnelle des personnes handicapées: l’assemblage est réalisé en région parisienne par les personnes handicapées d’un ESAT (Etablissement et service d’aide par le travail).
Des fontaines à eau connectées
La nouvelle levée de fonds de Castalie –qui avait déjà récolté 600.000 euros auprès de business angles puis 2 millions via des fonds– servira à poursuivre la conquête commerciale, auprès des entreprises comme des restaurateurs. Les capitaux viendront aussi irriguer l’innovation. Castalie, qui achète pour l’heure les filtres de ses machines, veut se tourner vers des filtres partiellement réutilisables –dont seule la partie charbon nécessite d’être changée. La PME de l’eau a aussi créé une carte logicielle, compatible avec toutes ses machines, conçues pour être durables et réparables. L’idée? Transformer les fontaines en objets connectés pour faciliter leur maintenance et donner aux utilisateurs des données chiffrées sur les économies de CO2 qu’ils ont réalisées.
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Troisième chantier, Castalie veut s’attaquer au grand public en commercialisant des gourdes à eau made in France. “Toutes les gourdes à eau viennent de Chine. Je ne comprends pas qu’on ne puisse pas fabriquer en France un produit aussi basique”, s’étrangle Thibault Lamarque. La PME réfléchit aussi au lancement d’eaux aromatisées. “Nous souhaitons tacler le segment des eaux parfumées”, distille le fondateur. Sans produire de bouteilles ni de déchets, cela coule de source.