Si la majorité des Français se réjouissent du déconfinement approchant, certains l’appréhendent, par peur de tomber malade ou de contaminer les plus fragiles ou encore par goût pour le télétravail. Beaucoup de salariés auront encore quelques semaines pour surmonter leur inquiétude.
J-4 avant le déconfinement. Un déconfinement qui s’annonce progressif et surtout hétérogène d’une région à l’autre, mais aussi d’une personne à une autre. Afin de protéger les plus vulnérables et éviter une seconde vague brutale de l’épidémie de coronavirus, certains salariés sont incités à rester chez eux et à ne pas retourner au travail ce lundi 11 mai, ce, même si leur employeur a réorganisé l’espace pour se conformer aux mesures barrières.
C’est ce que prévoit, pour les salariés du privé, l’article 20 du budget rectificatif du 25 avril. Il cite plusieurs possibilités. Premier motif légitime : le salarié est vulnérable et présente « un risque de développer une forme grave d’infection au virus SARS-CoV-2 ». Deuxième motif : il habite avec une personne vulnérable. Troisième motif : le salarié est « parent d’un enfant de moins de 16 ans ou d’une personne en situation de handicap faisant l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile ». Ces personnes percevront alors l’indemnité de chômage partiel équivalente à 84% de leur rémunération sur 35 heures.
Certaines femmes enceintes invitées à rester confinées
Depuis le 5 mai, un décret précise qui sont ces personnes jugées vulnérables face au Covid-19. Il s’agit des 65 ans et plus, des personnes ayant des antécédents cardiovasculaires, des diabétiques non équilibrés ou présentant des complications, des personnes souffrant d’une pathologie chronique respiratoire (broncho pneumopathie obstructive, asthme sévère, fibrose pulmonaire, syndrome d’apnées du sommeil, mucoviscidose notamment) ou d’une insuffisance rénale chronique dialysée, des personnes atteintes d’un cancer évolutif sous traitement, des personnes obèses ou encore des individus immunodéprimés. Les femmes au 3ème mois de grossesse sont aussi considérées comme vulnérables.
Pour les autres – ceux pour qui la probabilité de développer une forme grave de la maladie est très faible ou qui ne sont pas obligés de rester chez eux pour veiller sur un proche – le retour au bureau dès lundi s’avère souvent, en pratique, très hypothétiques. Avec à ce jour 12 millions de salariés au chômage partiel, les secteurs d’activité touchés de plein fouet par la crise sanitaire et économique (tourisme, restauration, culture…) resteront à l’arrêt encore de nombreuses semaines. En ce sens, l’Etat a reconduit le dispositif d’activité partielle actuel jusqu’à fin mai. Le taux de prise en charge devrait ensuite baisser graduellement.
Primauté au télétravail si possible
En outre, bien que le déconfinement démarre le 11 mai, le mot d’ordre pour les salariés et les entreprises est inchangé : le télétravail doit perdurer si possible. « Il y a aujourd’hui 5 millions de Français qui travaillent en télétravail, et dans le contexte de déconfinement progressif, c’est important qu’ils continuent à télétravailler », a ainsi rappelé le 4 mai dernier sur France Info Muriel Pénicaud, ministre du Travail. Toutefois, même si l’activité se prête au travail à distance, l’employeur est en droit d’exiger de ces salariés qu’ils reviennent à leur poste. « De la même manière qu’elles ont unilatéralement décrété le passage au télétravail au début de l’épidémie, les entreprises peuvent, dans le droit français, décider d’y mettre un terme », expliquent ainsi au HuffPost Sandra Gallissot et Sophie Challan-Belval, toutes deux avocates en droit du travail. A moins que l’employeur n’ait pas veillé au respect des gestes barrières, notamment de distanciation physique, les salariés ne peuvent donc pas s’opposer au retour au travail.
En revanche, si aucune précaution contre le virus n’a été prise et que ce retour met en péril la santé des salariés, ces derniers peuvent exercer leur droit de retrait, comme le prévoit l’article L4131-1 du Code du travail. Ce droit ne s’exerce pas à n’importe quelle condition. « Le salarié doit pouvoir clairement caractériser un manquement de son employeur aux mesures de sécurité », explique sur France Info Caroline André-Hesse, avocate associée au sein du cabinet d’affaires AyacheSalama. A ce titre, cette spécialiste en droit du travail souligne que des photos, ou des attestations fournies par des représentants du personnel, peuvent constituer des éléments pouvant justifier le droit de retrait.