Après des semaines d’incertitudes, le gouvernement italien a adopté vendredi soir un décret contenant plusieurs mesures pour relancer l’économie du pays. Le Premier ministre Giuseppe Conte a ainsi annoncé pour l’occasion “ le redémarrage des navires de croisière à partir du 15 août.” Un soulagement pour les deux principaux armateurs européens MSC et Costa Croisières dont les navires, sous pavillon italien, étaient à l’arrêt depuis des mois.
Cette nouvelle intervient après la réouverture des six principaux ports grecs le 1er août. La Grèce, dont l’économie dépend fortement du tourisme, a mis en avant son faible taux de contamination pour espérer attirer les opérateurs de croisière. La France quant à elle “étudie encore la question, mais cette autorisation italienne devrait accélérer les choses de notre côté”, espère Jean-François Suhas, président du Club de la croisière Marseille Provence.
Bateaux clusters
Pourtant, malgré ces autorisations, des craintes subsistent encore avant de lever l’ancre. La mésaventure du Diamond Princess plane au-dessus des armateurs. Le paquebot était resté en quarantaine tout le mois de février au large du Japon avec 4.000 passagers à bord, dont plus de 700 testés positifs au coronavirus ayant entrainé par la suite 7 décès.
Récemment, c’est le navire de croisière MS Roald Amundsen de la compagnie norvégienne Hurtigruten qui a dû confiner une partie de son équipage. En effet, au moins 40 personnes à bord du bateau ont été testées positives et ont dû être débarquées et placées en quarantaine à Tromso, en Norvège. Une situation qui a conduit ce pays à faire marche arrière au niveau des croisières. Il a interdit aux navires de plus de 100 personnes de débarquer leurs passagers dans ses ports.
L’armateur Hurtigruten, qui était l’un des premiers à reprendre du service en juin dernier a annoncé la suspension de ses croisières jusqu’à nouvel ordre. La proximité des passagers à bord et les diverses excursions peuvent, si un cas se manifeste, transformer les bateaux en véritables clusters naviguant.
Mesures de sécurité
Pour éviter cela, “l’Europe a transmis des procédures précises sur lesquelles les armateurs doivent s’appuyer: limitation de la capacité à 70%, pour garder des cabines dans le cas où il faudrait isoler des personnes, fermeture des boîtes de nuit à bord des bateaux, procédures de distanciation au sein des restaurants, filtration de l’air et des systèmes de climatisations et plus encore”, énumère Jean-François Suhas.
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Ces protocoles ont d’ailleurs d’ores et déjà été communiqués par MSC Croisières dont les paquebots MSC Grandiosa et MSC Magnifica, reprendront respectivement leurs opérations en Méditerranée à partir des 16 et 29 août 2020, en respectant “les nouvelles procédures dont des tests de dépistage au Covid-19 pour tous les hôtes et les membres d’équipage avant l’embarquement”, détaille Pierfrancesco Vago, président exécutif de MSC Croisières dans un communiqué.
Croisières d’un nouveau genre
Terminées donc les croisières comme on les connaît. Les buffets et les boîtes de nuit vont laisser la place à des services à table et des divertissements avec des “limites d’occupation indiquées aux entrées”, explique Costa Croisières sur son site Web. Le masque s’invite également à bord des navires puisqu’il est obligatoire dans les zones publiques. “Le nombre de passagers a été réduit et les zones communes et les salles de relaxation ont été repensées”, indique l’armateur.
Pour les professionnels du secteur, pas de quoi s’inquiéter. “Les croisières attirent un public très fidèle qui aime la croisière. Sur les bateaux, la sécurité va être renforcée pour rassurer les passagers et les croisiéristes seront au rendez-vous”, confie Jean-François Suhas. “On va mettre en place des tests à bord et des médecins disponibles sur place, chose qu’il n’y a pas actuellement dans les avions ou dans les trains que les gens continuent de prendre par exemple”, ajoute-t-il. En 2018, 520.800 Français se sont laisser tenter par les croisières, selon un rapport de la Cruise Line International Association (CLIA).
Impact sur l’emploi
A Marseille, il y a actuellement 8 bateaux à quai en attente d’une reprise. © JEAN-PAUL PELISSIER
Cette reprise est avant tout l’espoir d’une saison partiellement sauvée. Dans les villes portuaires, à l’image de Marseille, on encaisse des pertes considérables. Le territoire de Marseille Provence aura perdu, rien que pour ces deux mois, 73 millions d’euros. “Depuis le mois de mars c’est plus d’un million de passagers de croisière perdus et cela représente déjà plus de 170 millions d’euros de manque à gagner pour l’économie locale”, déplore le président du Club de la croisière Marseille Provence
“Si on reprend, il y aura un ou deux bateaux par semaine, c’est minime en comparaison des fréquentations habituelles durant ces périodes”, mais cette reprise permettra un retour à l’emploi de plusieurs centaines de salariés, poursuit-il. Au port de Marseille, MSC et Costa représentent 85% des escales. Pour le président du club de la croisière, il ne faut pas se leurrer pour autant. “Le monde d’avant n’existe plus”, cette reprise ne représente qu’un faible pourcentage des voyageurs normalement attendus à cette période. “Il n’y aura forcément que 200 ou 300 salariés nécessaires sur les 3.000 habituels”, indique le président.
Autre ombre au tableau de croisiéristes: vendredi 7 août, un collectif de passagers français du Costa Magica, navire de croisières qui s’était vu refouler début mars de plusieurs ports des Caraïbes en raison du coronavirus, a déposé vendredi 180 plaintes à Paris contre la compagnie, notamment pour homicides involontaires, a annoncé dimanche leur avocat à l’AFP. Ces plaintes accusent la compagnie de diverses fautes ou négligences dans la gestion de la crise sur ce navire. Cette action judiciaire pourrait freiner les opérateurs dans leurs élans de reprises.