Crypto Queen : l’arnaqueuse la plus recherchée par le FBI

Ruja Ignatova promettait à ses adeptes qu’ils feraient fortune avec sa cryptomonnaie OneCoin. Ils ont tout perdu et elle a disparu. Retour sur l’un des plus gros fake de la cryptomonnaie.

La dernière fois qu’on l’a vue, c’était en 2017, à bord d’un avion direction la Grèce. Depuis, la Bulgare Ruja Ignatova a été placée dans la liste des 10 criminels les plus recherchés des États-Unis. Le FBI offre une récompense de 100 000 dollars à quiconque donnera un tuyau permettant de localiser la jeune femme. Cette « crypto Queen » auto-proclamée est à l’origine de la plus grosse arnaque financière depuis Bernard Madoff. Souvenez-vous. Cet homme d’affaires véreux avait arnaqué pour 60 milliards d’euros ses victimes jusqu’à la fin des années 2000 grâce à une bonne vieille pyramide de Ponzi. La crypto Queen a utilisé la même méthode pour amasser un butin de 4 milliards de dollars dans 70 pays. L’histoire est restée confidentielle, elle n’en est pas moins dommageable pour les millions de victimes.

Le projet « killer de Bitcoin »

Retour en 2014. Le Bitcoin commence à avoir bonne presse chez les geeks. Une autre cryptomonnaie, le OneCoin, suscite l’intérêt d’un public d’initiés, mais aussi d’un public plus large, ce qui est plus rare. Ce projet se présente comme révolutionnaire, avec un potentiel supérieur au Bitcoin ; OneCoin se décrit même comme « Bitcoin killer » , et promet une rentabilité de plus de 600 %. « Rejoins la révolution financière. La première cryptomonnaie transparente, s’adressant à tout le monde. Pour améliorer la vie de personnes partout sur la planète, nous donnons immédiatement accès à nos services financiers » , pouvait-on lire sur le site aujourd’hui fermé, reproduit sur cryptoactu. Le succès est au rendez-vous : de 2014 au troisième trimestre 2016, OneCoin a généré 3,35 milliards de chiffre d’affaires et des bénéfices de plus de 2 milliards d’euros.

L’opportunité semble inespérée pour des millions d’investisseurs qui s’engouffrent dans la brèche. Et tout semble rouler. En se connectant à son espace, l’utilisateur voit la valeur de son portefeuille en dollars ou en euros, et elle grimpe. En revanche, au moment de retirer son argent : impossible. Ce fameux OneCoin ne repose pas sur une blockchain décentralisée – qui confère de la valeur et de la sécurité à ces nouvelles monnaies – mais sur… rien. La monnaie n’existe sur aucune place d’échange de cryptoactifs (comme Coinbase par exemple). Street Press est l’un des premiers médias en France à s’être intéressé au sujet. Dès 2018, le site a publié une longue enquête. On y apprend que le OneCoin est en fait la vitrine d’un système pyramidal dont les bénéfices seraient lavés dans les paradis fiscaux.

Ruja Ignatova : une pitcheuse hors pair

Derrière cette arnaque se cache Ruja Ignatova. Son CV impressionnant mentionne un passage à l’université d’Oxford et par le cabinet McKinsey. Pour certains, le tout inspire confiance. Charismatique, cette oratrice-née est capable d’incarner le rêve de l’enrichissement facile et d’enflammer 60 000 personnes réunies au Wembley Arena de Londres. Les investisseurs, en plus de penser qu’ils allaient faire exploser leurs gains, trouvaient là une « famille » . Eileen Barker, spécialiste des mouvements sectaires à la London School of Economics, n’a pas hésité à affirmer à la BBC que le « club » de Ruja Ignatova avait des similitudes avec « les sectes millénaristes » . Mais c’est aussi la base de toute pyramide de Ponzi : chacun des membres devenait VRP de la cryptomonnaie.

Menaces et coup bas

Pourtant, dès 2017, les premiers doutes s’installent. La police écossaise met la main sur le dossier. La grogne s’étend au Royaume-Uni. OneCoin tente même d’acheter le silence de ses victimes via des accords d’indemnisations « confidentiels » allant jusqu’à 50 000 euros. Loin d’étouffer l’affaire, les polices et les institutions financières d’au moins 25 pays ouvrent une enquête, suivies bientôt par d’autres. Des journalistes s’intéressent à l’histoire après que le Norvégien Bjorn Bjercke, expert de la blockchain, découvre l’arnaque. Les militants qui s’opposent à OneCoin subissent de sérieuses menaces. L’un d’entre eux, américain, recevra une photo de main avec des doigts coupés. Un autre, une photo de ses proches et de son domicile avec la légende « Ils te manquent ?  » .

Il n’y a plus de boss au numéro demandé…

Mais, malgré toutes les alarmes, OneCoin poursuit sa croissance. Pour brouiller les pistes, l’entreprise demande dès 2015 à ses investisseurs de verser des fonds via des intermédiaires. En Europe, c’est « IMS International Marketing Services GmbH » qui fait office de société écran. D’autres sociétés similaires, un « IMS » singapourien pour l’Asie, un « IMS » tanzanien pour l’Afrique ainsi qu’un « IMS » britannique sont identifiés. Mais la pression devient trop forte, les doutes sont trop grands et les poursuites judiciaires se multiplient. En février 2017, alors que la créatrice doit annoncer en grande pompe à Lisbonne les résultats de OneCoin aux investisseurs, l’Allemagne interdit sa commercialisation. Deux semaines avant sa venue au Portugal, Ruja Ignatova monte à bord d’un avion direction Athènes. On ne la reverra plus. Selon le Wall Street Journal, la femme soupçonnait son compagnon de la tromper, raison pour laquelle elle l’avait fait suivre. C’est comme ça qu’elle avait découvert qu’il collaborait avec le FBI. Une bonne raison de prendre la poudre d’escampette.

Mais où peut-elle donc bien être et surtout, où est l’argent ? Si on le savait, le FBI ne serait évidemment pas sur le coup. Toutefois, des rumeurs vont bon train. Elle aurait été tuée par des investisseurs mécontents d’avoir perdu leur mise. Elle serait en Allemagne, protégée par la mafia qu’elle a aidée à s’enrichir. Ou bien, elle a utilisé l’argent pour faire de la chirurgie esthétique et elle sirote des piña colada sur une plage tropicale. Une chose est sûre, depuis sa disparition, son frère Konstantin Ignatov a récupéré l’entreprise, avant de la refourguer à sa mère, puis à d’autres femmes et hommes d’affaires arrêtés ou volatilisés eux aussi depuis…

L’histoire ressemble à un bon scénario d’Hollywood ? Il a donc tapé dans l’œil… d’Hollywood. Le studio MGM a annoncé avoir adapté l’histoire. Baptisé Fake!, c’est Kate Winslet qui interprétera le premier rôle de ce naufrage financier. Après Titanic, il fallait y penser.

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