Dans l’univers de la vidéo à la demande, Disney+ et Netflix se livrent une guerre sans partage. Lancée plus tardivement, la plateforme de Disney avance ses pions et commence même à distancer le pionnier américain qui, de son côté, pâtit du désamour des abonnés pour ses services. Ce qui se ressent en Bourse.
Fortunes diverses chez les deux géants mondiaux du streaming que sont Netflix et Disney. Netflix voit sa supériorité s’effriter au fur et à mesure que de nouveaux concurrents font leur apparition sur le marché très disputé du divertissement en ligne.
Le premier enchaîne les déconvenues dont la dernière en date ne l’a pas laissé indemne. Netflix s’est effondré le 20 avril dernier en Bourse après avoir perdu des abonnés sur un trimestre, une première en 10 ans ! Trois mois auparavant, le groupe américain avait déjà averti sur un ralentissement de la croissance de sa base d’abonnés. Cette dernière reste toutefois importante, avec près de 222 millions d’abonnements payants. En Bourse, la sanction a été immédiate, marquée par un plongeon de 37% du cours de l’action. Ce sont plus 50 milliards de dollars de capitalisation qui sont partis en fumée sur la seule séance du 20 avril dernier.
Pour ne rien arranger, des investisseurs vont intenter une action en justice contre Netflix. Ils reprochent notamment à la plateforme de streaming d’avoir délibérément caché certaines informations dont l’érosion du nombre d’abonnés au premier trimestre 2022. Netflix a en effet perdu 200.00 abonnés alors qu’il s’attendait à recruter 2,5 millions d’abonnés sur le trimestre écoulé. Le marché adorant brûler ce qu’il a adulé par le passé, il a puni Netflix sans ménagement pour la faiblesse de ses perspectives, le titre lâchant près de 70% depuis le début de l’année.
Disney rattrape son “retard”
Les actionnaires de Disney, eux, sont très loin de se retourner contre le géant du divertissement. La forte croissance du nombre des abonnés à sa plateforme Disney+, lancée à la toute fin 2019, enchante les investisseurs. En plus de deux ans, à fin mars 2022, le groupe a porté son parc total à 133,7 millions d’abonnés, avec une hausse de près de 7,9 millions rien que sur le trimestre écoulé et battant même ses propres anticipations ! Disney escomptait recruter 5,3 millions de nouveaux utilisateurs entre janvier et mars. Un chiffre qui contraste avec son grand rival qui a perdu 200.000 abonnés sur la même période.
L’élan est clairement en faveur du n°1 mondial du divertissement. Pour preuve, Disney a pris la bonne habitude de faire nettement mieux que le consensus, en particulier concernant la croissance du parc d’abonnés VOD, élément jugé critique par le marché. Le groupe a encore dépassé les attentes de plus de 2 millions d’abonnés entre janvier et mars. Les prévisions sont aussi au beau fixe, le groupe de Burbank en Californie table sur une augmentation des abonnés à Disney+ sur la période d’avril à septembre par rapport au premier semestre de son exercice décalé (octobre à mars) rapporte sa directrice financière, Christine McCarthy.
Disney a également réitéré son objectif d’atteindre 230 à 260 millions d’abonnés Disney+ d’ici fin 2024, ce qui pourrait le placer devant Netflix si chacun poursuit au rythme actuel. Disney+ mise tout sur la croissance, et ne prévoit d’atteindre l’équilibre financier qu’en 2024. Disney prévoit ainsi de consacrer une enveloppe de 33 milliards de dollars à l’ensemble de ses contenus en 2022, en hausse de 8 milliards sur un an, dont 22 milliards de dollars pour les contenus non dédiés au sport, soit les documentaires et les fictions. Davantage que ce que Netflix devrait investir sur la même période…
La Bourse change de cheval
Chez ce dernier, l’hémorragie des abonnés est loin d’être contenue. Netflix s’attend à perdre deux millions d’abonnés lors du trimestre en cours par rapport au précédent. Reed Hastings, le co-PDG de Netflix est désormais prêt à commercialiser une offre d’abonnement moins chère mais avec de la publicité, une formule qui a fait ses preuves chez HBO Max et…Disney +. Initialement prévue en 2023 ou 2024, cette offre alternative devrait être lancée fin 2022, selon le New York Times. Pour se relancer, le pionnier du streaming est donc contraint d’abandonner sa position historique qui, jusqu’à présent, renonçait à intégrer des publicités dans ses programmes.
La dynamique s’est également largement inversée en Bourse, puisque Netflix pesait 20 milliards de dollars de plus que Disney mi-novembre dernier, et accuse désormais un retard de plus de 100 milliards (à près de 190 milliards de dollars de “market cap” pour Disney contre 76 milliards pour Netflix ce vendredi).
De fait, quand l’action Netflix s’affiche en repli de 70% depuis janvier, Disney résiste beaucoup mieux avec une baisse de “seulement” 31%. Si le marché est en berne depuis plusieurs mois, il faut aussi souligner que les deux géants proposent des “abonnements plaisirs” qui pourraient être rapidement coupés par les ménages si l’inflation persiste trop longtemps.