Telle est la question que le Conseil d’Etat vient de renvoyer au Conseil constitutionnel dans sa décision du 26 janvier 2018, n°415695, Sté Technicolor. Pour rappel, le Parlement avait légalisé en décembre 2016 la position restrictive de l’administration fiscale qui considérait que la majoration du plafond d’imputation des déficits de 1 M € ne pouvait bénéficier qu’à la seule société qui recevait l’aide financière à l’exclusion de celle qui la consentait. Or rien dans le texte initial en 2012 ne permettait de penser que seule cette interprétation devait être retenue. Bien au contraire il ressortait des débats parlementaires et de l’exposé des motifs à l’origine du texte que l’objectif de la mesure était « d’apporter un soutien en trésorerie aux entreprises qui, en abandonnant leurs créances, aident elles-mêmes des entreprises qui rencontrent des difficultés ». Il pouvait être légitimement considéré qu’il s’agissait d’une mesure incitative qui s’appliquait aussi aux entreprises qui consentaient les aides financières.
Pour couper court à la divergence d’interprétation qui devenait grandissante chez les entreprises, le Législateur a donc levé toute incertitude en décembre 2016 lors du vote du budget en précisant que seules les entreprises qui reçoivent les abandons de créance bénéficient de la majoration de la limite d’imputation des déficits de 1 M € et en ajoutant que ces dispositions ont un caractère interprétatif, c’est-à-dire qui rétroagissent à la date d’entrée en vigueur du texte initial, soit les exercices clos depuis le 31 décembre 2012.
Un caractère peut-être pas si interprétatif ou rétroactif que cela … qui pourrait cacher en réalité une disposition nouvelle !
C’est en substance la motivation du renvoi par le Conseil d’Etat de la question posée au Conseil constitutionnel. Car en définitive, si le caractère interprétatif de la loi est invalidé par le Conseil constitutionnel, la loi n’était pas applicable à des faits antérieurs à son entrée en vigueur. La loi ne prévoyant pas de date d’entrée en vigueur sur ce point était seulement applicable à compter du lendemain de sa publication au Journal officiel, soit à compter du 31 décembre 2016 à des faits postérieurs à cette date.
En cas d’invalidation du caractère interprétatif de la loi , les sociétés ayant consenti des aides à des filiales en difficulté entre 2012 et 2016 pourraient considérer qu’elles auraient été en droit de majorer le plafond d’imputation des déficits de 1 M€ du montant des aides accordées.
Action à entreprendre
Le Conseil constitutionnel a trois mois pour rendre sa décision et il peut la limiter dans le temps aux contentieux déjà engagés. S’agissant des exercices clos jusqu’au 31 décembre 2016, et dans les limites des délais de réclamation applicables, il serait opportun de voir si des réclamations ne pourraient pas être déposées pour recalculer l’assiette d’imputation des déficits fiscaux reportables des sociétés ayant consenti des abandons de créance à des sociétés en difficulté.
Lire aussi :
L’OCDE publie une carte interactive de la mise en œuvre des mesures BEPS dans le monde
Décision du Conseil d’Etat 22/09/17 : un nouvel apport de la jurisprudence sur le caractère complet et autonome de la branche d’activité !