L’écart entre le taux italien à dix ans et le taux allemand de même échéance s’est nettement creusé mardi après un arrêt de la Cour constitutionnelle allemande exigeant que la BCE justifie la conformité de ses vastes rachats de dette à son mandat.
Référence de la zone euro, le taux d’emprunt à 10 ans de l’Allemagne a peu varié depuis le début de la séance (-0,57% à 16H30) tandis que celui de l’Italie a accentué sa tension après cette décision (1,86% contre 1,76% la veille à la clôture du marché secondaire où s’échange la dette déjà émise).
Le différentiel (ou « spread ») entre le rendement des obligations d’Etat italiennes (considérées comme plus risquées) et celui des obligations souveraines allemandes (jugées les plus sûres) est de ce fait monté jusqu’à 252 points de base vers 13H20 (11H20 GMT), contre 233 la veille, avant de redescendre.
Un phénomène qui est lié à « un climat général sur la dette italienne qui est assez inquiétant avec l’explosion des déficits, un système bancaire encore un peu affaibli, des banques italiennes très surveillées sur leur détention de titres d’Etat italiens et l’épée de Damoclès des agences de notation », note auprès de l’AFP Guillaume Truttmann, gérant chez Meeschaert Asset Management.
L’Italie, l’un des pays les plus touchés par la pandémie de coronavirus en Europe, connaît en effet des phases de tension sur le marché obligataire depuis le début de la crise.
A cela s’est ajouté ce mardi le fait que l’Allemagne, par une décision de sa Cour constitutionnelle, a sommé la Banque centrale européenne de justifier « dans les trois mois » les rachats de dette publique qu’elle mène depuis 2015 dans le cadre du « quantitative easing » ou « QE ».
Concrètement, la puissante Banque centrale allemande se verra interdire de participer à ces rachats massifs d’obligations souveraines si l’institution de Francfort n’établit pas d’ici le mois d’août, de manière « compréhensible et détaillée », que les effets positifs de ce programme l’emporte sur ses inconvénients.
« Ce qui peut inquiéter », selon M. Truttmann, c’est qu’« en période de crise, nous avons une décision qui est défavorable à la zone euro et à la construction de son unité financière ».
Or, « le premier à en pâtir, si ces divergences politiques persistent, sera l’Etat italien qui est très dépendant aujourd’hui de la Banque centrale européenne », complète-t-il.
Reste que, sur le fond, « la probabilité est quand même assez faible que dans trois mois la Banque centrale allemande arrête de procéder à ces rachats d’actifs », estime M. Truttmann.
Et même si c’était le cas, l’arrêt de la cour suprême allemande ne concerne pas les achats réalisés dans le cadre du nouveau programme d’urgence contre la pandémie (PEPP), qui représente « les trois quarts des achats de la Banque centrale européenne aujourd’hui », précise-t-il.