par Michele Sinner
LUXEMBOURG, 10 juillet (Reuters) – La Banque centrale européenne (BCE), accusée par certains de financer les Etats et et de mettre en péril l’argent du contribuable, a défendu mardi son programme d’achat d’obligations de 2.600 milliards d’euros devant le Tribunal de l’Union européenne.
La saisine du Tribunal par un groupe de responsables politiques eurosceptiques et d’universitaires allemands vise à mettre un terme au programme d’assouplissement quantitatif (QE) de la BCE, dont l’arrêt est prévu cette année, et à créer un précédent.
La Cour constitutionnelle de Karlsruhe a saisi l’an passé le Tribunal basé à Luxembourg, le chargeant de déterminer si la BCE avait enfreint le droit communautaire en rachetant de la dette.
L’accusation considère que le programme de l’institut d’émission constitue une infraction à l’interdiction de financement monétaire et oblige la Bundesbank, et avec elle le contribuable allemand, à assumer toute perte subie par d’autres banques centrales nationales dans le cadre dudit programme.
“La BCE manque de légitimité démocratique”, a déclaré Dietrich Murswiek, l’avocat de l’un des plaignants, lors d’une audience devant le Tribunal. La BCE argue qu’elle respecte les traités car ses achats sont effectués seulement auprès des investisseurs et non directement auprès des Etats et que les risques pour les banques centrales sont limités.
“L’examen des questions posées n’a révélé aucun élément susceptible d’affecter la validité de la décision”, écrivent les avocats de la BCE.
Un porte-parole du Tribunal a déclaré que le dossier était traité en priorité mais n’a rien dit sur la date du verdict.
SOUTIEN MESURÉ DE BERLIN
Le Tribunal, dont les décisions ne peuvent faire l’objet d’un appel, a approuvé, dans un autre dossier, un programme d’achat d’obligations de la BCE qui peut être utilisé pour aider les Etats ayant bénéficié d’un plan de renflouement.
La BCE a annoncé le mois dernier son intention de mettre un terme à ses achats d’obligations à la fin de l’année mais elle continuera à réinvestir pendant encore longtemps les produits tirés des emprunts arrivant à échéance.
Le gouvernement allemand et la Bundesbank, qui ont exprimé leur scepticisme dès le début du programme d’assouplissement quantitatif (QE) de la BCE en 2015, ont fait cause commune avec l’institut de Francfort mardi. Mais Berlin a subordonné son soutien à l’imposition d’un plafond à la responsabilité de la Bundesbank vis-à-vis des pertes de banques centrales tierces.
“La clause doit être interprétée comme n’autorisant pas la responsabilité illimitée d’une banque centrale pour les pertes d’une autre banque centrale”, a déclaré à la cour l’avocat du gouvernement allemand, Ulrich Häde.
Le propre avocat de la BCE a déclaré qu’une telle “interprétation restrictive” ne remettait pas en cause la légalité du mécanisme, selon lequel seulement 20% des obligations sont “à risques partagés”, ce qui signifie que toute perte liée à ces dernières serait répartie dans la zone euro.
Mais la clause allemande pourrait entraver la BCE lors de la conception de tout programme futur.
“La cour devrait fixer des limites strictes au programme d’achat d’obligations à l’avenir, afin que la BCE ne devienne pas complètement un jouet au service de la politique budgétaire”, a déclaré Friedrich Heinemann, économiste de l’institut allemand ZEW.
Les audiences sont généralement suivies d’une opinion de l’avocat général de la Cour deux à quatre mois plus tard. Le Tribunal rend ensuite sa décision en principe trois à six mois après cet avis et celle-ci correspond généralement à l’opinion de l’avocat général. (avec Francesco Canepa et Balazs Koranyi à Francfort Claude Chendjou pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)