« Même si le déficit est appelé à conserver une trajectoire baissière, le pays n’apparaît pas en mesure d’atteindre ses objectifs budgétaires en 2014 et 2015″, écrit ainsi Moody’s dans un rapport publié lundi.
Raisons invoquées : une croissance inférieure aux estimations, Moody’s abaissant parallèlement ses propres prévisions pour l’économie française. Elle table ainsi désormais sur une croissance de 0,6% cette année et de 1,3% en 2015, contre respectivement 1,0% et 1,5% précédemment. Fin juin, l’Insee avait quant à elle déclaré s’attendre à une croissance de 0,7% en France pour 2014, montant bien en deçà du chiffre de 1% sur lequel table le gouvernement.
L’agence de notation ne fait ainsi qu’enfoncer le clou, la Commission européenne ayant préalablement estimé que la France éprouverait de sérieuses difficultés à tenir sa promesse de ramener l’an prochain son déficit public sous les 3% du produit intérieur brut, objectif fixé à 3,8% en 2014.
Certes, le gouvernement français a prévu 18 milliards d’euros d’économies sur les dépenses publiques cette année, et 50 milliards d’euros de 2015 à 2017, mais Moody’s a peine à croire que le gouvernement puisse mettre en oeuvre ces réformes, estimant sa tâche « d’autant plus ardue dans un contexte de croissance atone ».
Si les nouvelles orientations retenues par le gouvernement français « semblent globalement favorables à la compétitivité générale du pays, le risque lié à la mise en oeuvre de ce programme est toutefois significatif du fait de son ampleur sans précédent, des contours encore imprécis d’un grand nombre de mesures, des tensions politiques ambiantes et de la fragilité de la croissance économique », ajoute par ailleurs l’agence de notation.
En juin dernier, la Cour des Comptes a elle aussi émis de sérieux doutes, estimant que le déficit public de la France s’établirait à 4% du produit intérieur brut à la fin 2014, voire même à un montant légèrement supérieur « si la prévision de croissance économique du gouvernement ne se réalisait pas ». Dans leur rapport sur « la situation et les perspectives des finances publiques », les Sages avaient également fortement émis le doute que l’objectif de 3% soit atteignable en 2015 .
La Cour des comptes anticipait même « un risque supplémentaire de 2 à 3 milliards d’euros ». Pointant du doigt les collectivités locales, elle estimait ainsi « les prévisions de croissance des dépenses des administrations publiques locales » encore « sous-estimées ».
Les Sages avaient alors exprimé leurs doutes sur la faisabilité des économies annoncées par le gouvernement dans son plan de stabilité 2015-2017: « Les objectifs d’économies pour l’année 2015 sont très ambitieux. Or les économies identifiées dans le cadre de la modernisation de l’action publique ne sont pas à la hauteur de cet enjeu » avaient-ils noté.
La Cour des comptes avait également pointé du doigt le fait que 30 des 50 milliards d’économies sur la dépense publique annoncés d’ici 2017 soient « peu documentées », considérant même certaines mesures comme incertaines car devant « être réalisées par des administrations publiques dont l’Etat ne maîtrise pas les dépenses ».
Elle avait alors cité les régimes complémentaires d’assurance vieillesse, l’Unedic et surtout les collectivités locales censées réaliser 11 milliards d’économies d’ici 2017, alors qu’elles détiennent toujours la faculté d’augmenter les impôts locaux.
« L’hypothèse d’une répercussion immédiate et intégrale de la baisse des concours de l’Etat sur la dépense publique locale est très fragile, d’autant qu’aucune mesure n’a été prise pour réduire les marges d’ajustement des collectivités en matière de fiscalité et d’endettement », expliquaient alors les Sages.
Sources : Moody’s, AFP, L’Express
Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com – 4 août 2014
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