par Ezgi Erkoyun, Tuvan Gumrukcu et Jonathan Spicer
ISTANBUL, 20 mars (Reuters) – Recep Tayyip Erdogan a brutalement limogé samedi le gouverneur de la banque centrale de Turquie deux jours après une forte hausse des taux d’intérêt destinée à enrayer l’inflation.
Le président turc a remplacé Naci Agbal, en poste depuis moins de cinq mois, par un ancien député de son parti, Sahap Kavcioglu, qui a publiquement critiqué le resserrement de politique monétaire mis en oeuvre par le gouverneur sortant.
C’est la troisième fois depuis mi-2019 que Recep Tayyip Erdogan, qui ne cesse de plaider pour des taux bas, limoge un gouverneur de la banque centrale de Turquie et les analystes s’attendent à une chute de la livre à la réouverture des marchés.
Depuis son arrivée à la tête de la Banque de Turquie en novembre, Naci Agbal a relevé de manière agressive le principal taux directeur du pays, de 875 points de base pour le porter à 19%, soit le plus élevé parmi les principales économies du monde.
La dernière hausse de taux date de jeudi et elle a été plus forte que prévu, de 200 points de base, pour tenter de freiner une inflation de près de 16% et de lutter contre la dépréciation de la livre.
Si cette politique a été saluée par les marchés, elle a été critiquée par le nouveau gouverneur.
“Alors que les taux d’intérêt sont proches de zéro à travers le monde, opter pour une hausse de taux pour nous ne résoudra pas les problèmes économiques”, a écrit Sahap Kavcioglu, lui-même ancien banquier, dans une tribune publiée le mois dernier dans le journal Yeni Safak.
Sahap Kavcioglu devient le quatrième gouverneur de la Banque de Turquie en cinq ans et l’absence d’indépendance de la politique monétaire dans le pays est considérée par de nombreux économistes comme un facteur d’affaiblissement de l’économie turque, avec une soumission croissante au dollar et une inflation à deux chiffres de manière quasiment permanente depuis quatre ans.
La livre turque a perdu la moitié de sa valeur depuis 2018.
Elle a cependant rebondi après la nomination de Naci Agbal à la tête de la banque centrale le 7 novembre, reprenant plus de 15% depuis un record à plus de 8,50 pour un dollar, tandis qu’environ 20 milliards de dollars de fonds étrangers sont revenus se placer sur des actifs turcs après des années de flux sortants.
(Avec Nevzat Devranoglu et Dominic Evans Version française Bertrand Boucey)