par Howard Schneider et Jonathan Spicer
JACKSON HOLE, Wyoming, 27 août (Reuters) – Si le nom de Donald Trump n’a été que rarement prononcé à Jackson Hole, en revanche les présentations faites aussi bien par la présidente de la Réserve fédérale que par son homologue de la Banque centrale européenne ou encore par toute une théorie de chercheurs ont abouti, entre autres choses, à rejeter bon nombre des idées qui l’ont porté à la présidence des Etats-Unis.
Face au chantre de la déréglementation financière et de l'”America First”, Janet Yellen a rappelé de quelle manière une grave crise financière avait semé le chaos voici une dizaine d’années, tandis que, si l’on en croit certaines études économiques, la Chine et le Mexique sont moins à blâmer des pertes d’emplois massives que les nouvelles technologies.
“Déjà, pour certains, les souvenirs de cette expérience, les souvenir du coût de la crise financière, et les raisons qui ont motivé les mesures prises semblent être en train de se dissiper, a déploré Yellen, pour qui toute modification des règles existantes doit être d’ampleur moindre.
Mario Draghi, également présent lors du symposium annuel des banquiers centraux dans le Wyoming, s’est livré lui à un plaidoyer pour le libre échange et pour des institutions transnationales plus fortes, celles précisément qui font l’objet des critiques de Trump.
“Un virage vers le protectionnisme créerait de sérieux risques pour la poursuite de la croissance de la productivité et pour le potentiel de croissance de l’économie mondiale”, a-t-il affirmé, son discours mettant en valeur l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), le Groupe des Vingt (G20) et toute autre organisation internationale qui, à son avis, doit être renforcée.
L’ascension de Trump au pouvoir, la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne (UE) et une opposition à la mondialisation qui gagne en puissance inquiètent les banquiers centraux et bon nombre d’économistes de la mouvance classique qui estiment que les problèmes associés à la mondialisation l’emportent sur ses avantages et se traduisent par un rejet sans appel à son encontre.
Traiter ces problèmes ne ressort peut-être pas du domaine immédiat de la politique monétaire mais ils redoutent que de nouvelles vagues de protectionnisme ou de déréglementation téméraire ne menacent un système économique qui a fini par se stabiliser et qui a renoué avec la croissance un peu partout dans le monde.
Même si les économistes et les banquiers centraux ont admis qu’ils avaient mésestimé trop longtemps les difficultés qu’auraient les salariés à s’adapter à ce nouvel environnement économique, il était malgré tout de rigueur à Jackson Hole d’exprimer le scepticisme le plus affirmé face au programme économique du locataire de la Maison Blanche.
“Ce que nous ne savons plus faire c’est expliquer à ceux qui tirent avantage du commerce international pourquoi ils en bénéficient précisément, par exemple avec des produits moins chers; on s’est surtout préoccupé de ceux qui y perdent”, a dit Gita Gopinath, professeur d’économie internationale à Harvard.
Les invités ont également jugé que l’attention particulière que Trump accorde à la refonte des accords commerciaux ne règlerait en rien les problèmes.
“Renégocier l’Alena (Accord de libre-échange nord-américain) et prendre des mesures protectionnistes contre la Chine, tout cela ne sauvera pas l’emploi”, a dit Ann Harrison, professeur de l’université de Pennsylvanie, expliquant que le déclin de l’emploi industriel était imputable aux technologies et aux techniques de gestion qui sont pourvoyeuses d’économies sur le coût du travail.
Une bonne approche économique, de l’avis des économistes présents à Jackson Hole, serait d’améliorer les qualifications professionnelles, l’investissement productif local et les programmes sociaux pour les travailleurs déplacés, autant de mesures difficiles à financer et à structurer et dont les résultats sont loin d’être immédiats.
“Il est tellement plus facile de tirer à boulets rouges sur la Chine”, a conclu Harrison.
(Wilfrid Exbrayat pour le service français)