C’est peu dire que les marchés ne sont guère propices depuis le début de l’année, comme l’ont douloureusement éprouvé nombre de néo-investisseurs ces derniers mois. En repli d’environ 12% depuis le début de l’année, le marché parisien n’est même pas le plus à plaindre en regard de l’indice phare américain S&P 500 (-18%) et surtout du Nasdaq Composite (-27%).
En effet ce sont les valeurs technologiques, qui avaient bénéficié pendant de longues années de multiples de valorisation plantureux, qui se trouvent les plus affectées par la perspective d’une remontée des taux d’intérêts. La plus emblématique, celle qui a longtemps ceint la couronne de plus forte capitalisation mondiale, n’y a pas échappé: avec un repli qui atteint désormais plus de 20% (soit un “bear market” en langage de boursicoteur, sans que ce seuil ne revête aucune signification technique ou financière particulière), Apple s’est même vu de nouveau dépassée par Saudi Aramco. Depuis janvier, l’action a ainsi perdu 24%.
Signe des temps, car la seule diminution des multiples de valorisation de l’entreprise californienne n’explique pas tout: l’envolée des cours pétroliers a évidemment boosté en parallèle le cours du géant de l’énergie saoudien. Sa capitalisation se situe à plus de 2300 milliards de dollars actuellement, alors qu’Apple n’en vaut “plus que” 2200 milliards environ, soit 24% de moins qu’en début d’année…
L’un des GAFA les moins chers
Handicapante pour les indices auxquels Apple appartient, vu sa pondération, cette baisse du spécialiste des nouvelles technologies en Bourse commence à placer le titre sur le radar de certains investisseurs en quête de fondamentaux solides à bon marché, potentiellement rebutés jusqu’ici par les ratios demandés il y a quelques mois pour acheter le titre.
Pour prendre le ratio le plus élémentaire, soit le cours divisé par le bénéfice par action (PER), Apple ne se traite plus qu’à 22 fois ses bénéfices. Dans l’absolu un PER ne signifie pas grand chose, mais comparé à une vedette déchue telle que Nvidia (malgré un cours divisé par deux, le producteur de cartes graphiques est encore à 44 fois) ou à un Amazon (51 fois), force est de reconnaître que le groupe fondé par Steve Jobs n’est pas particulièrement cher. Microsoft se paie un peu plus cher (24 fois), seul Meta affichant un multiple moindre, mais qui a envie d’acheter une plate-forme qui perd désormais des utilisateurs ?
Apple peut même depuis une décennie se classer parmi les valeurs de rendement. Certes, le montant du dividende versé l’an dernier (0,92 dollar par action, en quatre paiements) ne donne pas un rendement faramineux: environ 0,65% sur le cours actuel. Mais depuis que le groupe a recommencé à verser un dividende en 2012, on observe une progression régulière du coupon, qui augmente de 5 à 10% chaque année. Et vu la façon dont le groupe a su créer un écosystème de services autour de ses matériels (utilisés par près de 2 milliards de personnes dans le monde…) lui permettant d’augmenter toujours plus ses revenus à forte marge, les analystes misent sur une poursuite de la croissance des profits, donc du dividende, à un rythme annuel à deux chiffres. Autrement dit, la pelote à l’instant t est encore mince, mais le marché ne la voit que grossir. Sans parler du programme de rachats d’actions, auquel un budget supplémentaire de 90 milliards de dollars a récemment été attribué…
Bien positionné face à l’inflation
Selon Bank of America (certes passé de neutre à l’achat sur le titre avec un très mauvais timing, fin 2021), Apple n’est en outre pas particulièrement menacé par l’envolée des prix à la consommation. Dans une étude récente, le bureau d’études a passé en revue la performance des sociétés du S&P 500 sur les vingt dernières années en les comparant à l’évolution de l’inflation selon un indicateur composite maison (que Bank of America utilise depuis 1975, et qui lui avait permis il y a un an de cela de pronostiquer l’épisode d’hyper-inflation qui a depuis secoué les marchés). Une poignée de valeurs présentent une corrélation positive avec cet indicateur, en provenance de secteurs différents – dont le fabricant de tracteurs Deere, le pétrolier Devon Energy, le groupe minier Freeport-McMoRan ou bien l’incontournable Apple.
Parmi les investisseurs “fondamentaux” qui misent largement sur l’entreprise californienne, Warren Buffett est sans doute le plus connu. Apple est devenue au fil du temps la plus grosse position du portefeuille coté (pratiquement 40%) de sa société d’investissement Berkshire Hathaway.
Un autre gros actionnaire institutionnel avec une optique de rendement à long terme est moins connu: il s’agit de la Banque nationale suisse. En effet, les statuts de la BNS lui permettent d’investir jusqu’à 20% de ses réserves sur les marchés financiers et ne se prive pas des revenus que lui rapportent peu à peu ses titres Apple… À vrai dire le portefeuille d’actions de la banque centrale helvète est presque géré de manière passive pour ne pas déséquilibrer le marché, au plus près des indices avec certaines exclusions pour motif ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance), à l’image de la Norges Bank également présente au capital de la firme à la pomme.