C’est paradoxal, mais pourtant, c’est une bonne nouvelle qui se profile pour vous. La rémunération du Livret A ne devrait pas bouger pas le 1er février. MoneyVox vous explique pourquoi vous avez échappé au pire.
Le taux du Livret A, une question très politique
Deux fois par an, à la mi-janvier et à la mi-juillet, c’est tout un cérémonial qui se met en œuvre. Sur la base d’indicateurs financiers, la Banque de France propose l’application (ou non) de la formule mathématique déterminant le taux d’intérêt du Livret A. Puis le ministre de l’Economie ou des Finances valide (ou non) cette recommandation, avant d’officialiser le nouveau taux du Livret A.
Le gouverneur de la banque centrale française n’a pas à cette heure donné son avis. Mais la rémunération du placement préféré des Français – qui finance pour l’essentiel le logement social – ne devrait pas être modifiée le mois prochain. Idem pour son cousin, le LDDS, dédié à l’économie sociale et solidaire ainsi qu’aux économies d’énergie dans les logements, et lui aussi rémunéré à 0,5% actuellement.
Que fait la banque avec l’argent de mon Livret A ?
Le dernier mot reviendra donc au ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, qui a le pouvoir de prendre une orientation différente de celle de la Banque de France. Une situation qui s’est produite à plusieurs reprises comme en février 2015, quand le gouvernement de François Hollande avait maintenu à 1% la rémunération du Livret A malgré la demande de la Banque de France de la diminuer.
Six ans plus tard, celle-ci n’est plus que de 0,5%, son plus bas niveau depuis la création du Livret A en octobre 1818. Ce, du fait d’une mise à jour de la formule de calcul, appliquée le 1er février 2020. Elle avait été très critiquée à l’époque, notamment par Jacques Savatier, alors député LREM et membre de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, qui centralise 60% de l’argent du Livret A. Interrogé par MoneyVox, il calculait que la baisse de 0,25 point du taux du Livret A – à 0,5% – allait ôter « un milliard d’euros de pouvoir d’achat aux ménages ».
Ces critiques sont restées sans effet, le gouvernement ayant finalement décidé d’abaisser la rémunération des 55 millions de Livrets A détenus par les ménages, en appliquant une nouvelle formule de calcul. « Il aurait été « irresponsable et incohérent » de maintenir ce taux à 0,75% par rapport à « notre politique de diversification des placements » et aux « milliers de Français qui attendent un logement social », se défendait le ministre de l’Economie. « Ce chiffre tient compte des taux d’intérêt bas et du niveau de l’inflation », soulignait Bruno Le Maire pour justifier le passage à 0,5%.
« Le Livret A rapporte plus rien »
Le taux du Livret A sauvé
Désormais, la formule de calcul prend en compte la moyenne semestrielle de l’inflation, hors tabac, et la moyenne semestrielle du taux interbancaire Eonia. Or, depuis juillet 2020, l’évolution des prix est très légèrement négative en France à -0,1%, d’après les chiffres définitifs pour l’année 2020 divulgués par l’Insee. De son côté, l’Eonia ressort à -0,469% sur les 6 derniers mois. En soustrayant le résultat du premier critère avec le second, le taux du Livret A au 1er février 2021 aurait ainsi dû tomber à -0,2845%. Arrondi au dixième de point le plus proche, cela aurait donné -0,3%, contre +0,5% à l’heure actuelle. Une très mauvaise nouvelle en théorie.
En savoir plus sur le calcul du taux d’intérêt du Livret A
Heureusement, les pouvoirs publics ont prévu une limite en-dessous de laquelle le taux du Livret A ne peut pas descendre. « Je souhaite (…) qu’on mette un taux plancher (…) pour garantir aux millions d’épargnants qui ont un Livret A que quelle que soit la situation des taux, quel que soit le niveau de l’inflation, la rémunération du livret A ne baissera jamais en dessous de 0,5% », expliquait en 2018, Bruno Le Maire. Un bouclier qui protège le pouvoir d’achat des ménages. Et à double titre dans le contexte actuel. En effet, les prix font du surplace. Résultat, le Livret A à 0,5% va vous permettre de gagner encore un peu d’argent. Certes, ce n’est pas le Pérou. Selon nos calculs, il vous faudrait près de 140 ans pour doubler l’épargne déposée sur un Livret A au taux actuel.
Livret A rémunéré à 0,5% | Capital |
---|---|
Au bout de 5 ans | 10 253 € |
… 10 ans | 10 511 € |
… 20 ans | 11 049 € |
… 100 ans | 16 467 € |
… 139 ans | 20 002 € |
D’ailleurs, au passage, il existe des produits sans risque qui rapportent au moins deux fois plus : le Livret d’épargne populaire si vous êtes éligible, les fonds euros de l’assurance vie ou encore certaines promotions en vigueur parmi les livrets bancaires.
Le Livret A reste une valeur sûre
Mais ce taux du Livret A à 0,5% aura au moins le mérite, à priori, de ne pas vous faire perdre d’argent en 2021. Selon les dernières projections de la Banque de France, l’inflation devrait très légèrement progresser de 0,5% en 2021. Tout dépendra de l’évolution de la situation économique. En effet, la Banque de France a aussi travaillé sur un scénario pessimiste qui verrait l’activité être très durablement réduite par la prolongation d’épidémie de Covid-19. Résultat, l’inflation pourrait alors même être négative à -1%. Le Livret A deviendrait alors là encore plus intéressant.
C’est ce contexte d’incertitude qui explique que Le Livret A devrait rester un placement phare, comme en 2020. L’an dernier, les Français y ont déposé 27 milliards d’euros entre janvier et novembre, contre 14 milliards d’euros sur la même période en 2019. Si l’on additionne la performance du LDDS, les deux produits ont collecté plus de 35 milliards d’euros sur les 11 premiers mois de 2020. Au final, 446 milliards d’euros y dorment.
« Dans ce contexte anormal, les ménages ne veulent pas s’engager sur le long terme et privilégient donc des produits liquides. Il y a une volonté manifeste à se constituer une réserve pour faire face à la survenue de problèmes d’emploi ou de revenus », explique Philippe Crevel, directeur général du Cercle de l’épargne. Tant que la situation sanitaire ne sera pas normalisée, l’attrait pour cette épargne réglementée devrait se poursuivre. Ce qui fait dire à Philippe Crevel que le ministère de l’Economie n’a aucune raison d’augmenter le taux du Livret A en février, « au moment où il veut relancer la consommation ».