Depuis vingt ans, on vit avec l’idée que l’Allemagne est le modèle économique dont il faut s’inspirer en Europe. Il est vrai que notre voisin dispose de solides atouts. A commencer par le niveau de compétence de sa population active, lié à un système scolaire de meilleure qualité, comme le montre l’amélioration de ses résultats lors des évaluations Pisa menées par l’OCDE. Résultat: le taux d’emploi des 15-64 ans atteint 76% outre-Rhin contre 67% en France. Davantage d’emplois entraînent davantage de recettes sociales et fiscales et donc une meilleure situation des finances publiques, avec même des excédents budgétaires. Qui plus est, l’efficacité de l’Etat apparaît supérieure en Allemagne. Un fonctionnaire y gère ainsi 15% d’argent public en plus qu’en France. Pour autant, ces avantages comparatifs ne doivent pas faire oublier plusieurs problèmes structurels.
Fort déclin démographique
Tout d’abord, l’Allemagne est frappée par un fort déclin démographique que les vagues migratoires n’ont pas permis d’enrayer. La population en âge de travailler baisse de 1% par an. Cela pèse sur la demande intérieure en biens de consommation ou en logement, sur la productivité, et donc in fine sur la croissance. Ensuite, il y a le coût faramineux de la transition écologique, qui pourrait atteindre 200 milliards d’euros par an, deux fois plus qu’en France. Un Allemand émet en moyenne 7,5 tonnes de CO2 par an, contre 4 tonnes pour un Français. Pourquoi un tel écart? La première raison est la taille de l’industrie allemande émettrice de CO2, notamment dans les secteurs du ciment, de l’acier, de l’aluminium, qui représentent 10% du PIB contre 3% en France. La seconde est la structure de l’approvisionnement énergétique. L’Allemagne a remplacé le nucléaire par du gaz russe et du charbon, qui pèse 40% de l’électricité consommée. Enfin, le pays souffre d’un déficit de productivité du travail, qui est revenue à son niveau de 2007. Sous Angela Merkel, l’Allemagne a laissé filer les salaires et a mangé son avantage de compétitivité coût, obtenu grâce aux réformes de Gerhard Schröder. Le coût unitaire de production dans l’industrie y est 18% plus élevé qu’en France.
Le Japon a su gérer son déclin démographique par un effort de modernisation et de productivité. Ce n’est pas le cas en Allemagne et c’est très inquiétant. Lorsque l’on étudie les tendances longues avec des modèles économiques, la croissance potentielle du pays se révèle négative pour les dix ou vingt ans à venir, de l’ordre de 0,5% en moyenne, alors qu’elle serait positive en France, de 1%. Si le revenu par Français est aujourd’hui 15% plus faible, il pourrait rattraper celui de son voisin au bout de la prochaine décennie.