Et si l’Alsace montrait l’exemple aux autres collectivités locales?

Ce dimanche 7 avril 2013 pourrait être une date historique. Ce jour-là, les Alsaciens sont appelés à valider par référendum la fusion du conseil régional et des deux conseils généraux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin afin de créer, en 2015, une collectivité unique, le Conseil d’Alsace. Une grande première dans cette France aux 36 000 communes, qui a pris l’habitude d’empiler les strates administratives et peine tant à se réformer.

La preuve, le gouvernement devait présenter le 10 avril son grand projet de loi sur la décentralisation. Mais, devant la fronde des sénateurs et des associations d’élus, il a décidé de saucissonner son texte et ne présentera, dans un premier temps, que la partie sur les métropoles. Surtout, il a renoncé à supprimer des échelons. Heureusement, certains élus locaux ont enfin décidé de donner un petit coup de pied dans le mille-feuille territorial.

Donner plus de poids à l’Alsace, petite région face à ses voisines

L’Alsace fait figure de précurseur en matière de simplification, elle qui réfléchit depuis trente ans à une collectivité unique. A l’origine du projet, Philippe Richert, président UMP de l’Alsace, veut ainsi donner plus de poids à sa petite région face à ses voisines européennes. “Avec 35 milliards d’euros de budget, le Bade-Wurtemberg a un plus gros budget que l’ensemble des régions françaises !”

L’ex-ministre des collectivités de Nicolas Sarkozy cherche aussi à faire des économies. Dès cette année, les trois agences de développement économique doivent fusionner tout comme les comités de tourisme. “Nous comptons baisser de 20% les frais de communication, explique Richert. En n’imprimant plus qu’un journal au lieu de trois, on gagne 500.000 euros par an. Le regroupement des directions administratives permettra de redéployer des effectifs et de ne pas remplacer une partie des départs en retraite. Nous tablons sur au moins 100 millions d’euros d’économies d’ici à cinq ans.”

Un montant toutefois modeste par rapport aux 2,7 milliards de budget total. Pour ne pas décourager les bonnes volontés, Richert a aussi été contraint de ne pas trop réduire le nombre d’élus (entre 12 et 25 conseillers en moins sur un total de 122) et a accepté de partager entre Strasbourg et Colmar les sièges du nouvel exécutif local.

Les autres initiatives en France

Grand pourfendeur de la “lasagne territoriale”, Maurice Leroy, le président UDI du Loir-et-Cher, aurait souhaité reproduire le modèle alsacien dans le Centre. “Je suis l’affreux président de conseil général qui veut fusionner les régions et les départements”, ironise ainsi le centriste. Faute de pouvoir le faire, il pousse donc à la mutualisation des services avec ses voisins de l’Eure-et-Loir et du Loiret, qui devrait se concrétiser lors d’une prochaine réunion tripartite à Orléans. “Nous allons, par exemple, partager les services de qualité de l’eau ou de fouilles archéologiques préventives, et passer des appels d’offres en commun pour réduire nos coûts.”

Autre innovation initiée par le maire PS de Lyon, Gérard Collomb, et permise par le projet de loi du gouvernement: la création, en 2015, d’une métropole qui débouchera sur un véritable Yalta local. A Lyon et dans sa banlieue, le conseil général et la communauté d’agglomération disparaissent au profit du Grand Lyon (58 communes et 1,2 million d’habitants), piloté par Collomb.

Quant au conseil général du Rhône, il ne s’occupera plus que des autres territoires du département (Beaujolais, Monts du Lyonnais, Val de Saône, Monts de Tarare). A la clé, plus de lisibilité et des économies d’échelle. “Cela permettra de supprimer des doublons entre les villes et le département, notamment dans le domaine social, espère-t-on au cabinet de Gérard Collomb De même, l’agglomération et le conseil général disposent tous deux de services de voirie dont les compétences peuvent se chevaucher. Il faut parfois plusieurs mois pour installer un rond-point situé sur un territoire commun!”

Eviter les dérapages

Le département enverra une partie de ses personnels vers le Grand Lyon. Ces transferts seront supervisés par le président de la Chambre Régionale des Comptes afin d’éviter les dérapages observées au début des années 2000 lors de la création des structures intercommunales: les transferts s’étaient mal passés et les collectivités avaient multiplié recrutements et doublons débouchant sur une hausse globale des effectifs.

En revanche, ailleurs en France, la création des métropoles ne simplifie pas vraiment le paysage local puisqu’elles s’ajoutent aux strates existantes. Les départements continuent à vivre leur vie et aucun échelon ne disparaît. La métropole de Paris, qui réunira, en 2016, les présidents des structures intercommunales franciliennes, s’apparente ainsi à un énième organe de concertation, dédié surtout au logement.

Quant à sa rivale marseillaise, elle aura certes le mérite d’absorber cinq autres structures existantes, dont la riche communauté d’Aix-en-Provence, pour former un ensemble de 1,6 millions d’habitants en 2015. Mais, face aux batailles intestines entre élus locaux, le gouvernement a du inventer des “conseils de territoire” disposant chacun de leur propre budget de fonctionnement ! Dans certaines régions, le mille-feuille est décidément difficile à digérer.


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