Le projet de loi Sapin 2 contient des dispositions concernant l’assurance vie, qui visent à donner aux pouvoirs publics le pouvoir de geler les retraits ou de limiter la rémunération servie. Mais rien qui doive vraiment faire peur aux épargnants. Explications.
Les députés ont adopté jeudi dernier la loi dite Sapin 2 en nouvelle lecture. Le texte devrait être examiné par le Sénat début novembre et pourrait être voté définitivement d’ici la fin de l’année, l’Assemblée nationale ayant le dernier mot.
L’article 21 bis de cette loi vise à élargir et agrandir les pouvoirs du Haut Conseil à la Stabilité Financière (HCSF) en matière d’assurance-vie, en lui conférant notamment le pouvoir de :
- Prendre des mesures conservatoires telles que : « Limiter temporairement l’exercice de certaines opérations ou activités, y compris l’acceptation de primes ou versements ; Suspendre ou restreindre temporairement la libre disposition de tout ou partie des actifs ; Suspendre, retarder ou limiter temporairement, pour tout ou partie du portefeuille, le paiement des valeurs de rachat, la faculté d’arbitrages ou le versement d’avances sur contrat ».
- Moduler les règles de la participation aux bénéfices pour l’ensemble ou un sous-ensemble des compagnies d’assurance.
L’ACPR a déjà le pouvoir de suspendre les valeurs de rachat
L’article L612-33 du code monétaire et financier donne déjà à l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution ( ACPR Définition L’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution) est une autorité administrative indépendante adossée à la Banque de France, créée par l’ordonnance du 21 janvier 2010, issue de la fusion de quatre autorités de la banque et de l’assurance : la Commission bancaire, le Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (CECEI), l’Autorité de Contrôle des Assurances et des Mutuelles (ACAM) et le Comité des Entreprises d’Assurance (CEA).
L’ACPR est chargée de l’agrément et de la surveillance des établissements bancaires et d’assurance dans l’intérêt de leur clientèle et de la préservation de la stabilité du système financier.
) le pouvoir de « Suspendre ou limiter le paiement des valeurs de rachat, la faculté d’arbitrage, le versement d’avances sur contrat… ».
La nouveauté est de donner ces pouvoirs au HCSF, de manière générale, sans supprimer ceux de l’ACPR. Mais il n’est pas illégitime que ce soit au HCSF, autorité de prévention des risques systémiques, présidée par le ministre de l’économie et des finances, que revienne le droit de prendre une mesure générale en cas de risque avéré plutôt qu’à une institution plus technicienne adossée à la Banque de France.
Cette possibilité est encadrée puisque le HCSF ne peut intervenir qu’en cas de menace grave et caractérisée pour la situation financière de l’ensemble ou d’un sous ensemble d’assureurs ou pour la stabilité du système financier. Tandis que l’ACPR pourra continuer à intervenir si un assureur est en difficulté ou risque de mettre en danger les intérêts des souscripteurs, assurés et bénéficiaires. Et que la durée des mesures est limitée à 3 mois, renouvelables.
Gageons que la situation des assureurs ne justifiera pas une telle mesure. Et que les épargnants pourront continuer à faire des retraits, réguliers ou non, sans se voir opposer ce dispositif de crise qui n’est prévu qu’à titre préventif.
La faculté de modifier les taux servis dans les fonds euros
Le projet de loi prévoit également de « moduler les règles de constitution et de reprise de la provision pour participation aux bénéfices ». Cette disposition s’explique par le fait que les assureurs continuent de servir des taux d’intérêt sur les supports en euros de l’assurance vie qui, bien qu’en baisse sensible et régulière, sont encore nettement supérieurs aux taux du marché. Le HSCF pourrait ainsi les obliger à être moins généreux, en agissant sur les règles de dotation et de reprise de la provision pour participation aux bénéfices Définition Les assureurs sont conduits par la législation à distribuer aux assurés une partie des bénéfices techniques et financiers réalisés dans l’année (hors réserve de capitalisation).
Selon le Code des Assurances, les entreprises d’assurances doivent distribuer au minimum 90 % de leurs bénéfices techniques et 85 % de leurs bénéfices financiers.
Cette participation aux bénéfices comprend le TMG (Taux Minimum Garanti) versé au fur et à mesure de l’année + un complément de rémunération créditée le 31/12 de chaque exercice. C’est le taux de rendement global de votre contrat.
, réserve constituée pour lisser les rendements servis aux épargnants.