La banque centrale de Turquie se réunit mardi pour décider d’augmenter ou non ses taux d’intérêt pour notamment combattre l’inflation, un test majeur pour la crédibilité de cet organe après la réélection du président Erdogan qui inquiète de plus en plus les marchés.
Cette réunion du comité de politique monétaire de la Banque centrale de Turquie (CBRT) survient au moment où l’inflation a dépassé les 15% sur un an en juin, renforçant l’inquiétude des observateurs qui pointent un essoufflement de l’économie turque.
C’est la première fois que la CBRT se réunit depuis le double scrutin présidentiel et législatif du 24 juin, remporté par Recep Tayyip Erdogan qui a été réélu pour un mandat aux pouvoirs considérablement renforcés grâce à une révision constitutionnelle.
Après sa victoire aux élections, M. Erdogan a donné des sueurs froides aux marchés en confiant le portefeuille clé des Finances à son gendre, Berat Albayrak, un ex-ministre de l’Energie âgé de 40 ans.
Bien que l’économie turque affiche un taux de croissance pour 2017 à faire pâlir de nombreux pays (+7,4%), elle présente plusieurs signes de surchauffe avec une inflation sur un an à 15,39% en juin –un record depuis 2003– et une dégringolade continue de la livre turque.
Face à cette situation, les économistes soutiennent qu’il est nécessaire de rehausser les taux d’intérêt de la banque centrale, dont le principal taux directeur, celui de refinancement à une semaine, s’élève à 17,75%. La CBRT doit annoncer sa décision à 11H00 GMT.
Mais M. Erdogan, qui se décrit lui-même comme un “ennemi des taux d’intérêt”, préconise tout l’inverse et a désormais plus que jamais les mains libres pour imposer ses vues peu orthodoxes sur l’économie.
– “Pas de bagarre” –
La Turquie est en effet formellement passée il y a deux semaines d’un système parlementaire à un régime présidentiel qui fait de M. Erdogan l’unique détenteur du pouvoir exécutif. Cette transition a notamment fait disparaître la fonction de Premier ministre.
Le président turc s’est octroyé dans la foulée par décret la prérogative de nommer le gouverneur de la banque centrale, signalant ainsi sa volonté d’avoir la main sur les leviers économiques.
Pour tenter de rassurer les marchés et les investisseurs étrangers qui doutent plus que jamais de l’indépendance de la banque centrale, M. Albayrak multiplie les déclarations apaisantes.
Après s’être entretenu lundi avec des experts, il a ainsi indiqué sur Twitter qu’il organiserait des réunions régulières avec des économistes.
Et cité par les médias turcs, M. Albayrak a déclaré dimanche qu’il n’avait pas l’intention de “se bagarrer avec les marchés”.
Le gouvernement n’a pas reconduit la semaine dernière l’état d’urgence qui était en vigueur depuis la tentative de putsch de juillet 2016 et dont les marchés réclamaient avec insistance la levée.
Malgré l’hostilité de M. Erdogan envers les taux d’intérêt, de nombreux économistes s’attendent à ce que la banque centrale continue dans ce sens mardi, anticipant une hausse comprise entre 75 et 150 points de base.
“Nous tablons sur une hausse de 100 points de base et, vu la montée brutale de l’inflation au cours des deux derniers mois, cela semble être le minimum acceptable pour les marchés”, indique à l’AFP Jason Tuvey de Capital Economics.
“En deçà, les inquiétudes concernant l’indépendance de la banque centrale et sa capacité à affronter l’inflation seraient ravivées”, poursuit M. Tuvey. “Une liquidation de la livre turque suivrait immanquablement et forcerait la CBRT à rehausser les taux en urgence”.