ING a-t-elle le droit de fermer les comptes de ses clients ?

La banque en ligne ING a commencé à fermer les comptes épargne de certains clients, sans leur accord. En a-t-elle vraiment le droit ?

Depuis le 21 décembre, c’est officiel. Présente dans l’Hexagone depuis plus de 20 ans, la banque néerlandaise ING a décidé de fermer sa succursale française, faute de rentabilité. Plus précisément sa banque en ligne destinée aux particuliers : elle compte maintenir son activité de financement et d’investissement à destination des grandes entreprises.

La date précise de ce départ n’est pas encore connue, mais il n’interviendra avant de longs mois. Dans l’immédiat, ING est à la recherche d’un repreneur pour son portefeuille de clients, estimé à un million. En attendant, ces derniers ont été rassurés : « [Ils] continuent de bénéficier des services habituels de la banque en ligne. Clients et partenaires seront informés individuellement avant tout changement concernant les produits et services », nous expliquait la communication d’ING mercredi dernier.

Certains d’entre eux, toutefois, ont eu la mauvaise surprise de voir leur relation avec ING rompue plus tôt que prévu et sans leur accord. La banque en ligne a, en effet, confirmé procéder, depuis l’été dernier, à la clôture de certains comptes jugés non rentables.

Qui sont les clients concernés ?

Selon ING, les clients concernés détiennent un Livret Epargne Orange (LEO) et aucun autre produit dans la banque. Ce livret d’épargne fiscalisé est le premier produit bancaire lancé en France par ING, en 2000. Grâce à des taux très supérieurs à ceux pratiqués par les enseignes traditionnels, il a attiré à l’époque de nombreux épargnants en quête de rendement pour leurs liquidités.

Depuis, le LEO a perdu de sa superbe : depuis le 1er janvier 2021, il ne rapporte plus que 0,01%. A la même date, ING a également instauré un plafond de 100 000 euros, sous peine de se voir prélever des frais. En cause, la conjoncture de taux. « La Banque centrale européenne (BCE) applique des taux d’intérêts négatifs : les sommes déposées par les banques de la zone euro sont taxées à -0,5% », a expliqué ING à l’AFP. « Autrement dit, elles doivent payer pour déposer de l’argent. »

Selon l’estimation de France Conso Banque, une association d’usagers bancaires, au moins 300 000 clients sont tout de même concernés par ces fermetures unilatérales. Elles concerneraient aussi des Livrets A, produit réglementé, ce que la banque n’a pas confirmé.

ING est-elle dans son droit ?

Absolument. La convention qui lie un client à sa banque est un contrat à durée indéterminée. Ce qui signifie que les deux parties peuvent y mettre un terme quand ils le souhaitent.

La banque doit toutefois respecter certaines formes. Notifier la fermeture à son client d’abord, sur support papier ou tout autre support durable. Lui laisser le temps de se retourner, ensuite, en lui accordant un délai de préavis. Deux mesures qui, semble-t-il, ont bien été mises en œuvre par ING.

ING respecte-t-elle les délais de préavis ?

France Conso Banque, qui a lancé un collectif de défense des clients d’ING, reproche à la banque en ligne de ne pas respecter un délai de préavis de 2 mois. Ce délai, toutefois, ne concerne que les comptes de dépôts, c’est-à-dire ceux utilisés pour gérer quotidiennement son argent, sur lesquels on dispose d’une carte bancaire et d’un chéquier. Autrement dit ce que l’on appelle communément un compte courant. Ce n’est pas le cas du LEO, qui est un simple compte épargne rémunéré, sans moyen de paiement associé.

Pour ce type de compte, la jurisprudence veut que la banque laisse un « délai de préavis suffisant à son client », explique Jérôme Lasserre Capdeville, maître de conférences HDR à l’Université de Strasbourg. « En outre, concernant les contrats conclus après le 1er octobre 2016 », poursuit ce spécialiste de droit bancaire, « on trouvera un fondement légal à cette dernière solution dans l’article 1211 du Code civil : lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable ».

En laissant aux clients mis à la porte un préavis d’un mois, délai inscrit dans les conditions générales de son livret, ING semble donc dans les clous.