(Actualisé tout du long)
KABOUL, 21 août (Reuters) – Les Etats-Unis ont conseillé samedi à leurs ressortissants se trouvant en Afghanistan de ne pas se rendre à l’aéroport de la capitale Kaboul, citant des risques sécuritaires alors que des milliers de personnes s’y sont amassées dans l’espoir de quitter le pays, six jours après la prise de pouvoir des taliban.
La foule massée à l’aéroport de Kaboul n’a cessé de croître au cours de la semaine écoulée, des familles se retrouvant poussées contre des murs en béton du fait de la cohue alors qu’elles implorent qu’on les laisse embarquer à bord d’avions pour quitter le pays.
Les taliban ont appelé ceux ne disposant pas de documents de voyage à rentrer chez eux.
Au moins 12 personnes ont trouvé la mort sur et aux alentours de l’unique tarmac depuis dimanche dernier, ont dit des représentants de l’Otan et des taliban.
“Du fait de potentielles menaces sécuritaires devant les portes d’entrée de l’aéroport de Kaboul, nous conseillons au citoyens américains d’éviter de se rendre à l’aéroport (..) à moins que des instructions individuelles vous ont été transmises par un représentant du gouvernement américain vous invitant à le faire”, a dit l’ambassade des Etats-Unis dans une note.
Un haut représentant de l’armée américaine a indiqué que, lors des vingt-quatre dernières heures, les portes de l’aéroport de Kaboul ont par moments été fermées, sans rapporter de changement en termes d’hostilités sur et aux alentours du tarmac.
S’il n’a pas exclu des risques sécuritaires, un représentant taliban a déclaré à Reuters que le groupe avait pour objectif d'”améliorer la situation et de fournir une sortie en douceur” aux personnes cherchant à quitter le pays au cours du week-end.
COURSE CONTRE LA MONTRE
Alors que les taliban cherchent toujours à composer une nouvelle gouvernance, le mollah Baradar, co-fondateur du mouvement islamiste, est arrivé dans la journée à Kaboul pour des discussions avec d’autres dirigeants taliban.
L’offensive éclair des taliban à travers le pays, en marge du retrait des troupes américaines et face à ce que la chancelière allemande Angela Merkel a décrit samedi comme l'”effondrement époustouflant” de l’armée afghane, a alimenté les craintes d’un retour strict à la loi islamique, la charia, sur le modèle du précédent règne des taliban.
Citant une situation sécuritaire qui a “empiré de manière significative lors des dernières heures” à l’aéroport de Kaboul, la Suisse a fait savoir samedi qu’elle repoussait un vol d’évacuation.
Le ministère de l’Intérieur français a indiqué pour sa part dans la nuit de vendredi à samedi que les opérations d’évacuation se poursuivaient, avec l’arrivée vendredi soir d’un quatrième vol transportant plus de 100 personnes à l’aéroport francilien Roissy Charles-de-Gaulle, parmi lesquels quatre Français et 99 Afghans.
A Washington, le porte-parole du Pentagone a déclaré que les Etats-Unis menaient une course contre “le temps et l’espace” pour évacuer des civils d’Afghanistan. Un haut représentant du département américain de la Défense a indiqué que 2.500 Américains ont été évacués de Kaboul au cours de la semaine écoulée.
GESTION DE CRISE
Le représentant taliban s’exprimant à Reuters a déclaré que le groupe prévoyait de mettre sur pied, d’ici quelques semaines, un nouveau modèle de gouvernement pour l’Afghanistan, avec des équipes distinctes pour traiter les questions de sécurité intérieure et les questions financières.
“Des experts de l’ancien gouvernement seront associés pour la gestion de crise”, a-t-il dit.
Il a également précisé que la nouvelle structure de gouvernement ne sera pas une démocratie répondant à la définition occidentale, mais qu'”elle protégera les droits de tout le monde”.
En plus d’un manque de préparation face à la faillite soudaine des forces de sécurité afghanes, les taliban, dont le guide suprême, le mollah Haibatullah Akhundzada, est resté publiquement silencieux jusqu’à présent, doivent préserver l’unité du mouvement. Dans leurs rangs, les intérêts pourraient diverger maintenant que la victoire militaire a été obtenue.
Depuis leur prise de pouvoir à Kaboul dimanche dernier, les taliban sont accusés d’avoir conduit des représailles violentes contre des manifestants ainsi que des rafles parmi les personnes ayant travaillé pour le gouvernement afghan, critiqué leur mouvement ou collaboré avec les Américains.
Le responsable taliban a répondu que le mouvement promettait de rendre des comptes sur ses actions et d’enquêter sur les accusations de représailles et d’atrocités perpétrées dans leurs rangs.
“Nous avons entendu parler de certains cas d’atrocités et de cimes contre les civils”, a-t-il dit sous couvert d’anonymat. “Si (des membres) des taliban sont responsables de ces problèmes de justice et d’ordre, ils feront l’objet d’enquête.”
“Nous pouvons comprendre la panique, le stress et l’anxiété. Les gens pensent que nous ne rendrons pas de comptes, ils ont tort”, a-t-il poursuivi.
Les taliban cherchent à offrir un visage plus modéré, rompant avec leur gestion du pays d’une main de fer entre 1996 et 2001. Ils avaient ensuite été renversés par l’intervention militaire américaine lancée à la suite des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis.
(Reportage bureau de Kaboul, avec Rupam Jain, James Mackenzie, Will Dunham et Charlotte Greenfield; version française Gilles Guillaume et Jean Terzian)