Le tribunal correctionnel de Paris a condamné vendredi le groupe Total à une peine symbolique de 500.000 euros d’amende pour corruption d’agents publics étrangers en marge de la conclusion de contrats en Iran en 1997. Le groupe pétrolier a en revanche échappé à la confiscation par l’Etat du produit présumé de l’infraction et a fait savoir qu’il ne ferait pas appel. Total était accusé d’avoir versé quelque 30 millions de dollars de pots-de-vin entre 2000 et 2004 sous couvert d’un contrat de consultance visant à faciliter la conclusion d’un accord concernant l’immense gisement gazier de South Pars.
Pour le procureur, ce contrat avec la société Baston Associated LTD “recouvrait en réalité des paiements corruptifs” dont une grande partie destinée à un fils de l’ancien président iranien Hachemi Rafsanjani (1989-1997), Mehdi. Celui-ci dirigeait alors des filiales de la société pétrolière nationale iranienne, NIOC, avec laquelle Total a signé le 28 septembre 1997 le contrat relatif à South Pars.
Dans ses réquisitions, le procureur avait reconnu que le “schéma de corruption” utilisé à l’époque, selon l’accusation, par Total en Iran appartenait au passé et qu’il “faudrait s’y prendre autrement aujourd’hui” pour parvenir au mêmes fins. Il avait cependant demandé à la cour d'”affirmer la place de la France dans la lutte contre la corruption internationale” et d’envoyer un message aux grandes entreprises, ainsi qu’aux pays avec lesquels elles traitent, en sanctionnant Total.
Il avait alors requis la confiscation de 250 millions d’euros et une amende de 750.000 euros. La cour ne l’a pas suivi. La présidente du tribunal a justifié la sanction symbolique prononcée par l’ancienneté des faits, le contexte économique, politique et géopolitique de l’époque, notamment en Iran, ainsi que l’état de la législation lors de la commission des faits.
Le précédent américain
Le groupe pétrolier avait conclu en mai 2013 avec les autorités américaines une transaction mettant fin aux Etats-Unis à des poursuites relatives à des faits similaires. Total avait ainsi accepté de payer 245 millions de dollars au département américain de la Justice et 153 millions à la Commission américaine des opérations de Bourse (SEC). Le groupe pétrolier, personne morale, était le dernier prévenu dans ce procès. Les autres ont disparu.
Christophe de Margerie, qui était au moment des faits directeur Moyen-Orient de Total, dont il deviendra plus tard le PDG, a été tué dans un accident d’avion à Moscou. L’intermédiaire iranien Bijan Dadfar, dirigeant de Baston Associated LTD, qui devait être jugé pour complicité, est mort récemment de maladie, a déclaré son avocat à Reuters. Un autre intermédiaire iranien poursuivi pour complicité, Abbas Yazdi, réputé proche de Mehdi Rafsanjani, a pour sa part été enlevé à Dubaï et son corps n’a jamais été retrouvé. Il a néanmoins été condamné par défaut à quatre ans de prison, avec émission d’un mandat d’arrêt.
Lors de leurs plaidoiries, les avocats de Total avaient contesté l’accusation de corruption, en tout cas selon les lois en vigueur à l’époque, et défendu l’idée que les faits reprochés relevaient du trafic d’influence à l’étranger, alors non réprimé par le droit français.
Dans une déclaration adressée à Reuters en réaction au jugement, Total a fait valoir que l’absence des personnes visées initialement par l’enquête n’avait “pas permis d’assurer les conditions d’un procès équitable”. “Cependant, compte tenu des circonstances particulières de ce dossier, par ailleurs déjà jugé aux Etats-Unis et dans lequel plus aucun protagoniste ne peut se défendre, Total ne souhaite pas prolonger cette affaire”, a ajouté son PDG Patrick Pouyanné.
(Avec Reuters)