La bulle des énergies renouvelables a explosé depuis la pandémie

Le secteur des énergies renouvelables a connu un développement fulgurant au cours des dernières années, alimenté par plusieurs facteurs, notamment l’impact de la pandémie de COVID-19 et les bouleversements géopolitiques liés à la guerre en Ukraine. Cependant, une série de défis économiques et de perturbations de marché ont récemment entaché les performances du secteur, remettant en question les valorisations qui avaient atteint des niveaux records. Cette dynamique, autrefois caractérisée par une forte demande pour des investissements dans des entreprises axées sur des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), fait désormais face à une réalité plus complexe.

Au début de la crise sanitaire mondiale en 2020, le secteur des énergies renouvelables semblait être sur une trajectoire ascendante. L’enthousiasme des investisseurs était alimenté par une prise de conscience accrue des enjeux environnementaux et la nécessité d’accélérer la transition énergétique. Les entreprises spécialisées dans les énergies renouvelables ont alors connu un fort afflux de capitaux, attirant une attention particulière en raison de leur capacité à répondre aux objectifs climatiques mondiaux. Des sociétés comme Neoen et Voltalia, cotées sur le marché parisien, ont vu leurs actions grimper rapidement. Cependant, ces performances exceptionnelles se sont largement inversées, ces entreprises ayant connu des baisses de près de 60 % par rapport à leurs plus hauts niveaux enregistrés fin 2020 et début 2021.

Cet essor des valeurs des énergies renouvelables ne s’est pas limité à un cadre national. À l’échelle mondiale, des indices comme le S&P Global Clean Energy, qui regroupe une centaine de grandes entreprises du secteur, ont suivi une trajectoire similaire. L’indice a franchi la barre des 2100 points début 2021, après être parti de 853 points au début de 2020, avant de chuter de manière significative pour se stabiliser actuellement autour de 869 points. Cette évolution illustre un retournement marqué, suggérant la formation d’une bulle spéculative qui a éclaté au début de l’année 2021, à la suite de l’optimisme excessif lié à la pandémie.

L’une des raisons majeures de cette hausse spéculative était la croyance généralisée que les grandes entreprises pétrolières, alors en quête de diversification, achèteraient massivement des sociétés du secteur des énergies renouvelables. De nombreux acteurs, y compris des dirigeants du secteur, ont fait état de cette dynamique. Le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, a notamment évoqué une « bulle » sur le marché, prédisant une correction inévitable. Après cette période, les valorisations ont commencé à se normaliser.

Une nouvelle phase d’optimisme a été observée en 2022, sous l’effet de la guerre en Ukraine. L’interruption des approvisionnements en gaz russe a exacerbé les préoccupations énergétiques en Europe. Face à cette pénurie de gaz naturel, les énergies renouvelables ont semblé offrir une solution viable pour compenser la baisse des importations russes. En conséquence, le secteur a connu un regain d’intérêt, les politiques énergétiques européennes misant sur un renforcement des capacités de production renouvelable pour diversifier les sources d’approvisionnement.

Cependant, les prix du gaz naturel, qui avaient atteint des niveaux records au début de l’année 2022, ont rapidement baissé suite à la réorientation des approvisionnements vers le gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance d’autres régions. Cela a atténué l’impact des énergies renouvelables sur les prix de l’électricité, provoquant une correction des valorisations des entreprises du secteur. Bien que les prix de l’électricité aient d’abord profité de cette hausse des coûts du gaz, les plafonds de prix imposés par les gouvernements européens ont limité la rentabilité des producteurs d’énergie verte, mettant en lumière les défis liés à la stabilité des prix dans un marché énergétiquement volatile.

Les facteurs macroéconomiques ont également pesé lourdement sur les perspectives du secteur. L’augmentation des taux d’intérêt, en particulier au cours des derniers mois, a mis en évidence la vulnérabilité des entreprises d’énergies renouvelables aux conditions économiques changeantes. Ces sociétés, souvent considérées comme des valeurs de croissance, ont été particulièrement touchées par la hausse des rendements obligataires. En effet, les valorisations des entreprises d’énergies renouvelables sont sensiblement influencées par l’évolution des taux d’intérêt, de manière similaire à celles des sociétés technologiques.

La flambée des prix des matières premières a également contribué aux difficultés du secteur. Dans le domaine photovoltaïque, le coût du polysilicium, élément clé pour la fabrication de panneaux solaires, a augmenté après la pandémie mais a depuis fortement diminué, atteignant des niveaux proches de ceux de 2020. Si cette baisse est bénéfique pour les entreprises du solaire, le secteur éolien fait face à des coûts encore élevés, notamment pour les matériaux nécessaires à la construction des turbines et aux infrastructures d’éoliennes en mer.

Parallèlement à ces éléments, les problèmes de rentabilité restent une préoccupation persistante. Si les coûts de production d’électricité à partir de sources renouvelables sont compétitifs dans certaines régions, les revenus générés par la vente d’électricité restent insuffisants dans d’autres. L’absence de prévisions stables pour la rentabilité des projets et les délais longs nécessaires pour l’obtention de permis, en particulier dans l’éolien, compliquent davantage la situation.

Les difficultés rencontrées par des entreprises phares du secteur ont également jeté un froid sur les marchés. Par exemple, Siemens Energy, une entreprise cotée à Francfort, a dû revoir à la baisse ses prévisions de rentabilité en raison des problèmes rencontrés par sa filiale Siemens Gamesa. L’augmentation des défaillances de composants et des retards sur les projets ont contribué à ces révisions négatives. De même, la société danoise Orsted a récemment annoncé une perte de valeur de 16 milliards de couronnes danoises (2,2 milliards d’euros) sur plusieurs projets d’éoliennes offshore aux États-Unis. Ces dépréciations sont dues à une combinaison de problèmes techniques et administratifs, notamment des retards liés aux fournisseurs et à l’absence d’avantages fiscaux.

Le secteur pourrait néanmoins présenter des opportunités d’investissement pour les investisseurs à long terme. Selon les experts, certaines technologies, telles que le solaire, ont vu une baisse des coûts d’investissement unitaire de 10 à 20 % au cours de l’année écoulée, ce qui pourrait rendre les entreprises de ce domaine attractives. L’acceptation sociale des projets solaires est également plus forte que pour les projets éoliens, tant terrestres que maritimes, ce qui pourrait favoriser un rebond dans ce secteur spécifique.

Les grandes entreprises pétrolières, qui étaient jusque-là réticentes à acquérir des sociétés du secteur des énergies renouvelables en raison de valorisations élevées, pourraient désormais envisager des acquisitions dans un environnement où les évaluations sont plus raisonnables. Selon les analystes, les multiples de valorisation ont diminué, avec un ratio valeur d’entreprise par mégawatt pour les opérateurs européens se maintenant à des niveaux proches de 900 000 euros, ce qui pourrait rendre certaines entreprises particulièrement intéressantes.

Cela étant dit, les investisseurs devront prendre en compte les dynamiques de marché actuelles, où les préoccupations économiques et les rendements de l’investissement sont désormais placés au centre des préoccupations. Les critères ESG, bien qu’encore influents, ne semblent plus être aussi déterminants qu’ils ne l’étaient dans un marché haussier. En conséquence, le secteur des énergies renouvelables semble entrer dans une phase de réévaluation, où l’adaptation aux nouvelles conditions économiques sera cruciale.

LAISSER UN COMMENTAIRE

Veuillez entrez votre commentaire
Veuillez entrer votre nom