Stanley Fischer estime « extrêmement dangereux » que dix ans après la crise financière, tout le monde veuille « revenir à un statu quo d’avant la grande crise financière ». selon lui, cela manque « extrêmement de clairvoyance ».
Son ire va tout particulièrement contre les plaidoyers en faveur de l’allégement de la réglementation concernant les tests de résistance sur les grandes banques, jugeant cela « très très dangereux ». On ne peut que raisonnablement acquiescer … Fin avril, déjà, Stanley Fischer s’était montré très critique vis-à-vis des tentatives menées en vue d’abandonner les réformes post-crise.
Pour rappel, la réforme financière Dodd-Frank impose depuis 2010 des tests de résistance mesurant la capacité des institutions financières à faire face à une éventuelle crise. Mais en juin dernier, l’administration Trump a publié une feuille de route en vue de simplifier la réglementation financière aux Etats-Unis. Elle propose notamment un allègement de ces tests.
Le vice-président de la Fed rappelle par ailleurs que l’économie américaine doit toujours fait toujours face au « shadow banking system ». Précisons que ces prêts accordés en dehors du système bancaire (dans l’ombre) ont joué un rôle primordial dans la crise des crédits immobiliers à risque (subprime) qui a éclaté en 2007.
« On ne peut pas comprendre pourquoi des gens (…) intelligents arrivent à la conclusion que vous devriez vous débarrasser de tout ce que vous avez mis en place durant les dix dernières années », a-t-il enfin martelé.
A la mi-juin, alors que le Trésor US venait de publier un rapport allant dans le sens d’un allégement des contraintes bancaires, François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France avait quant à lui jugé « préoccupante » l’évolution de la réglementation financière aux Etats-Unis.
Considérant tout d’abord que la « coopération internationale sur les réformes financières » constituait un « bien commun », « vital » pour l’avenir, il a ensuite ajouté que « la tentation d’un retour en arrière » était très dangereuse. Selon lui, une telle politique « augmenterait la probabilité qu’une nouvelle crise financière éclate« . Des propos alarmants prononcés lors de l’ouverture de la conférence annuelle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
Le gouverneur de la Banque de France s’avérait alors tout particulièrement préoccupé par la situation aux États-Unis. Il estime en effet que les mesures qui doivent être adoptées et mises en oeuvre demeurent encore à ce jour « largement à préciser ». L’éventuelle remise en cause de règles déjà finalisées à Bâle l’inquiète en tout premier lieu. « Une déréglementation unilatérale ne serait qu’un jeu perdant-perdant, qui aurait de graves conséquences tant sur la stabilité du système financier mondial que sur les conditions de concurrence entre banques américaines et européennes », a d’ores et déjà prévenu M. Villeroy de Galhau.
A noter que parmi les mesures proposées par le Trésor US figurent notamment des changements liés à la surveillance des banques. Le seuil à partir duquel elles sont soumises à des tests de résistance pourrait être ainsi relevé, le niveau actuel étant fixé à 50 milliards de dollars d’actifs. Rappelons qu’en novembre 2016, le site internet de l’équipe de transition de Donald Trump (www.greatagain.gov) avait d’ores et déjà mis en ligne des propositions visant à démanteler la loi Dodd-Frank. A l’heure actuelle, les banques ayant plus de 50 milliards de dollars (46 milliards d’euros) d’actifs entrent dans la catégorie des institutions financières dites d’importance systémique (« too big to fail »), soumises à une réglementation draconienne. Si le nouveau Président élu obtient le rehaussement de ce seuil à 250 milliards de dollars, nombre d’établissements bénéficieraient alors d’une flexibilité accrue leur permettant de faire remonter leur valorisation boursière.
En mai dernier, Donald Trump a affiché parallèlement sa ferme volonté de rétablir les dispositions de la législation dite « Glass-Steagall », laquelle a permis de séparer les activités de banque de dépôt et d’investissement aux Etats-Unis de 1933 à 1999. Durant sa campagne électorale, le candidat Trump avait à maintes reprises appelé à une remise en vigueur de cette législation, supprimée lors de la présidence de Bill Clinton. Il avait alors indiqué être favorable à une nouvelle loi de ce type, en souhaitant toutefois l’adapter aux conditions actuelles. Le parti républicain avait pour sa part inscrit un tel projet dans sa plate-forme électorale, reprenant le principe de la dérégulation.
La loi Dodd-Frank de stabilité financière – votée par les Démocrates après la crise des subprimes – établit quant à elle des règles contraignant les banques à prendre des mesures garantissant leur solvabilité, sans toutefois viser à leur démantèlement. Donald Trump a entamé depuis quelques mois un processus devant aboutir à la suppression de plusieurs de ses dispositions. En octobre 2015, il avait d’ores et déjà lancé sur Fox News : « Il faut se débarrasser de Dodd-Frank. Les banques ne prêtent plus d’argent à ceux qui en ont besoin. A moi, elles m’en prêtent, je n’en ai pas besoin. Mais si vous avez besoin d’argent pour créer de l’emploi, construire un immeuble ou monter une entreprise, les banques ne sont pas là. Ce sont les régulateurs qui dirigent les banques ». Pour rappel, Dodd-Frank a créé de nouvelles agences de contrôle, limité les activités spéculatives des banques (à hauteur de 3% des fonds propres) et encadré les produits dérivés, ces derniers ayant été à l’origine de la crise des subprimes.
Selon Donald Trump, les banques seraient entravées par la régulation, une situation qui serait une des causes de la faible croissance américaine, selon lui. Son programme économique avait d’ailleurs mis l’accent sur la suppression « massive » de la « réglementation anti-croissance » et la mise en place d’un « nouveau cadre réglementaire moderne ». Dans un entretien accordé à Reuters au mois de mai 2016, il avait encore plus net, affirmant que « Dodd-Frank empêche les banques de fonctionner ». « Il faut que ça cesse », avait-il alors martelé, confiant qu’il serait en faveur de « quelque chose proche d’un démantèlement de Dodd-Frank ».
Le gouverneur de la Banque de France a quant à lui appelé par ailleurs à être particulièrement attentif à ce que feront les autres grands pays à commencer par les Etats-Unis en cas de transposition de ces nouvelles règles dans l’Union européenne, évoquant à ce sujet les négociations en cours au sein du comité de Bâle, l’instance chargée d’élaborer la réglementation bancaire internationale.
Il a néanmoins incité les banques françaises à être plus mesurées dans leurs critiques à l’encontre des projets de réformes du Comité de Bâle, leur rappelant que le « sujet n’est pas de défendre des intérêts corporatistes ». Ces appels à la mesure font référence à la levée de boucliers observée au sein des secteurs bancaires français, allemand et néerlandais suite notamment aux propositions concernant les règles de calcul des risques pris par les banques et les exigences de fonds propres imposées aux établissements financiers.
Certaines entités s’alarment régulièrement d’un éventuel resserrement du crédit bancaire en cas de durcissement des règles imposées aux banques. Ce qui les cas échéant pourrait s’avérer néfaste aux entreprises en Europe.
« Personne ne peut sérieusement dire en France, et plus généralement dans la plupart des économies avancées, que l’offre de crédit bancaire est aujourd’hui contrainte par la réglementation bancaire », a pour sa part estimé à ce sujet M. Villeroy de Galhau. « Au contraire, les crédits accordés à l’économie sont restés dynamiques » et la « forte croissance d’ensemble peut d’ailleurs mériter dans les mois qui viennent une vigilance globale », avait-t-il ajouté.
Sources : AFP, Financial Times, Les Echos, La Tribune, Le Temps.ch
Elisabeth Studer – 18 août 2017 – www.leblogfinance.com
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