Moins de redressements et moins de sommes encaissées: le rendement de la lutte contre la fraude a reculé en 2017 pour la deuxième année consécutive, en raison notamment d’une baisse de régime des guichets de régularisation des évadés fiscaux.
Selon le rapport annuel de la Direction générale des finances publiques (DGFiP), rendu public mardi, 17,9 milliards d’euros de droits et pénalités ont été notifiés l’an dernier par l’administration fiscale aux contribuables et aux entreprises.
Ce chiffre est en repli de 8% par rapport à celui de 2016 (19,5 milliards) et de 16% par rapport à celui de 2015, année marquée par un niveau de redressements fiscaux record (21,2 milliards).
Selon le fisc, la baisse concerne également les “créances fiscales recouvrées”, c’est-à-dire les sommes encaissées par l’administration après d’éventuelles procédures de contestation.
En 2017, ces recouvrements ont atteint 9,4 milliards d’euros, contre 11,1 milliards d’euros en 2016 et 12,2 milliards en 2015. Soit une perte nette de 2,8 milliards d’euros en deux ans pour le budget de l’Etat.
La lutte contre la fraude fiscale a-t-elle perdu en efficacité? Ou a-t-elle fait la preuve de sa pertinence, en poussant les entreprises et les particuliers à se plier plus largement aux règles en vigueur?
“Le contrôle existe, il a une fonction dissuasive”, a assuré lors d’une conférence de presse Bruno Parent, directeur général des finances publiques, écartant tout relâchement dans la traque des fraudeurs.
“Il n’y a pas eu de changement de politique”, a ajouté le haut fonctionnaire, expliquant les “fluctuations” du rendement de la lutte contre la fraude par des facteurs techniques ou mécaniques.
– Dossiers “exceptionnels” –
Le premier concerne la baisse du régime du service de traitement des déclarations rectificatives (STDR), mis en place en 2013 pour favoriser la régularisation des évadés fiscaux, et qui a officiellement fermé ses portes au 31 décembre 2017.
Selon Bercy, cette “cellule de dégrisement”, qui permettait aux personnes détenant un compte caché à l’étranger de régulariser leur situation moyennant des pénalités allégées, a rapporté 1,3 milliard en 2017, contre 2,5 milliards un an auparavant.
Une évolution naturelle, selon la DGFiP, qui rappelle que la principale vague de régularisations a eu lieu dans les premières années de mise en oeuvre de ce mécanisme, qui a rapporté 8 milliards d’euros à l’Etat en cinq ans.
L’autre explication tient à la baisse des dossiers dits “exceptionnels”. En 2015, le fisc avait notifié quelque 3,3 milliards d’euros de redressement à cinq très grandes entreprises, principalement anglo-saxonnes.
Or ces opérations “ne se reproduisent pas mécaniquement d’une année sur l’autre”, a rappelé Bruno Parent: “comme on est sur une base très étroite qui fluctue, ça a une influence sur le total”.
– “Exigence de transparence” –
Ces chiffres interviennent alors que le gouvernement a promis en début d’année de “muscler” la lutte contre la fraude fiscale, dans le cadre d’un projet de loi actuellement en débat au parlement.
Ce texte, porté par le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin, prévoit notamment de rendre publics les noms des fraudeurs et de créer un service d’enquête spécialisé au sein de Bercy, placé sous l’autorité d’un magistrat.
Il entérine par le développement du “datamining” (fouille et recoupement de différentes bases de données), utilisé depuis 2014 pour les entreprises et testé depuis fin 2017 pour les particuliers, afin de détecter les dossiers à risques.
Selon la DGFiP, près de 23.000 contrôles de bureau ont été réalisés en 2017 grâce à ce procédé. “Ils ont donné lieu à plus de 100 millions d’euros de rappels de droits et pénalités”, ajoute-t-elle dans son rapport annuel.
Selon le syndicat Solidaires finances publiques, 60 à 80 milliards d’euros d’impôts échappent chaque année à l’Etat à cause de la fraude. Mais aucune estimation officielle n’existe pour corroborer cette fourchette, jugée surévaluée par Bercy.
En présentant son projet de loi au printemps, Gérald Darmanin avait dit vouloir “organiser un travail collectif” associant des parlementaires et des ONG afin d'”objectiver ce montant”. “C’est une exigence de transparence que nous devons à nos concitoyens”, avait-il reconnu.