Opération déminage. Le 13 mai, en laissant entendre dans un entretien à Bloomberg que Sanofi réserverait aux Etats-Unis, son allié sur un vaccin anti-Covid-19, des commandes prioritaires – sous prétexte qu’ils avaient investi dans le projet –, Paul Hudson, son directeur général, a suscité un tollé. Inacceptable aux yeux des politiques et de l’opinion. Et ravageur pour l’image du sixième acteur mondial. Dès le lendemain, Hudson se fendait d’un mea culpa en interne : “Ce qui s’est passé est de ma responsabilité. J’aimerais présenter mes excuses…” Le 19 mai, avec Serge Weinberg, président du conseil du laboratoire pharmaceutique, il était convoqué à l’Elysée.
“Aux Etats-Unis, les contrats de recherche public-privé prévoient souvent des contreparties pour celui qui finance. S’ils ont versé des centaines de millions, il ne serait pas étonnant que le contrat prévoie une livraison prioritaire, confie François Pochart, avocat associé au cabinet August Debouzy. La crise montre surtout à quel point l’industrie pharmaceutique européenne a perdu en compétitivité.”
Doubler capacité de production en Europe
La polémique servira-t-elle in fine la future souveraineté sanitaire européenne ? Peut-être. Elle risque surtout de compliquer les affaires de Sanofi en France. Pour le futur vaccin, le groupe a promis de doubler la capacité de production en Europe (1 milliard de doses d’ici
L’Elysée maintient la pression, d’autant que Sanofi touche 110 millions d’euros de Crédit d’impôt recherche par an. En janvier, Hudson avait déjà été reçu à Bercy. L’occasion de marteler l’attractivité de la France… et de le prier de considérer le pays pour tout investissement. Sanofi a dévoilé en février son projet de rationaliser ses usines de principes actifs en Europe – dont deux en France. Plus que jamais, l’Etat va veiller au grain.