La Commission européenne a accepté de dédommager les agriculteurs d’Irlande des pertes qu’ils pourraient subir en cas de Brexit sans accord.
Ou quand les problèmes liés au Brexit se mordent la queue … pour au final aboutir à un financement par la Commission européenne elle-même de certains dégâts économiques et financiers que pourrait poser un hard Brexit.
Si on ne peut que se réjouir pour les agriculteurs irlandais … l’imbroglio juridico économico financier d’une sortie d’un Etat membre de l’Union européenne n’a pas fini de nous surprendre … A noter également que ce « dédommagement » montre l’ampleur de la complexité du dossier lié à la frontière irlandaise.
Des millions d’euros pour compenser une chute des prix
Selon l’édition irlandaise du Sunday Times, citant des sources gouvernementales à Dublin et à Bruxelles, l’exécutif européen est prêt à débloquer des centaines de millions d’euros d’aide en vue de compenser une chute des prix de la viande de boeuf et des produits laitiers. Répondant ainsi aux desidarata du ministre irlandais de l’Agriculture, Michael Creed. Ce dernier a en effet déclaré , le mois dernier que Dublin demanderait des garanties à l’Union européenne en ce sens.
Le Sunday Times précise par ailleurs que les détails du mécanisme de compensation ont été finalisés ces derniers jours par Michael Creed et le commissaire européen à l’Agriculture, Phil Hogan. Les mesures mises en œuvre sont de même type que celles adoptées par la Commission lors de la suspension par la Russie des importations de produits agricoles européens.
Le Brexit provoque d’ores et déjà des dégâts économiques
Avant même que le Brexit ne soit effectif, ses redoutables conséquences sont bel et bien présentes. L’agriculture irlandaise et le secteur du boeuf ont été particulièrement impactés. Au lendemain du vote du 23 juin 2016 du vote favorable à une sortie du Royaume-Uni de l’UE, la livre sterling s’est dépréciée de 10% par rapport à l’euro. Or, rappelons-le, contrairement au Royaume-Uni, l’Irlande est dans la zone euro !
Effet boule de neige, le jour suivant le référendum, le prix de la viande de bœuf en Irlande a chuté de 10 cts le kilo. Car les détaillants britanniques n’ont pas voulu absorber le choc, redoutant que les consommateurs refusent de payer plus cher les produits importés et s’en détournent. Au final, ce sont les agriculteurs irlandais qui ont du s’aligner et baisser leurs prix.
Au final, la dévaluation de la livre aura coûté 120 M d’euros aux éleveurs irlandais durant les six premiers mois qui ont suivi le référendum.
L’agriculture irlandaise très dépendante du Royaume-Uni
L’agriculture irlandaise exporte 90% de sa production totale, dont 43% vers le Royaume-Uni. Parmi les produits potentiellement impactés, la viande de bœuf figure en toute première place. Ainsi, en 2017, l’Irlande a expédié plus de la moitié de sa production bovine vers le Royaume-Uni , soit 283 000 tonnes, contre 240 000 tonnes vers l’Europe continentale et seulement 34 000 tonnes en dehors de l’UE.
Car, historiquement, l’Irlande a toujours été un gros fournisseur de produits agricoles pour son voisin, le Royaume-Uni. La géographie étant ce qu’elle est, la proximité entre les deux pays va demeurer même en cas de Brexit. Mais le niveau de droits de douane qui seront mis en œuvre fera toute la différence.
Selon le Sunday Times, les producteurs de fleurs de Belgique et Pays-Bas et les producteurs de produits laitiers et de bacon du Danemark, dont l’activité dépend largement des exportations vers le Royaume-Uni, pourront obtenir des dédommagements de même ordre.
Les aides de la Commission européenne financées par les Etats membres
Mais arrêtons nous un instant pour comprendre l’ampleur de l’imbroglio …
En 2018, le budget de l’Union européenne était de 160 milliards d’euros. Il s’inscrit dans un cadre pluriannuel fixé pour sept ans et qui détermine les montants maximums que l’UE peut dépenser chaque année dans différents domaines. Celui-ci est de 963,5 milliards d’euros pour la période 2014 – 2020.
Le budget européen est alloué à plusieurs politiques. Le montant dédié à chacune peut légèrement varier chaque année en fonction du vote des institutions européennes. Mais tous les ans, l’essentiel des dépenses européennes est consacré à la Politique agricole commune (PAC) et à la Politique de cohésion, dont l’objectif est de réduire les inégalités régionales et sociales au sein de l’Union européenne. A elles seules, ces “lignes budgétaires” représentent plus de 70% du budget européen.
Le budget de l’UE représente un peu plus d’1% de la richesse produite chaque année par les pays membres de l’UE. En 2016, le PIB total des 28 membres de l’Union européenne était de 14 800 milliards d’euros.
La France est le deuxième contributeur au budget européen, après l’Allemagne. Elle a du fournir près de 22 milliards d’euros à l’Union européenne en 2018, soit 15% des recettes.
La responsabilité finale de l’exécution du budget incombe à la Commission européenne. Laquelle va donc financer via le budget de l’UE – et donc via le budget des Etats membres, et donc via leurs recettes publiques – les dédommagements d’éventuelles pertes que pourraient subir les agriculteurs irlandais dans le cas de hard Brexit. Les recettes publiques de la France sont quant à elles financées par les taxes et les impôts. Dont la hausse provoque la colère des Gilets Jaunes …
Sources : AFP, Sunday Times, Rfi
Elisabeth Studer – 03 février 2019 – www.leblogfinance.com