L’Assemblée nationale a approuvé samedi la création controversée d’un délit d’« écocide », parmi une batterie de mesures du projet de loi climat destinées à renforcer l’arsenal contre les atteintes à l’environnement.
Ce délit, voté par 44 voix contre 10, s’appliquera « aux atteintes les plus graves à l’environnement au niveau national », selon la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili. Les peines pourront aller jusqu’à 10 ans de prison et 4,5 millions d’euros d’amende.
Mais le projet de loi ne prévoit pas de « crime d’écocide » comme l’avait réclamé la Convention citoyenne pour le climat (CCC), dont les travaux ont inspiré le gouvernement. Ce « crime » est discuté depuis des décennies au niveau de la justice internationale.
« Quand on pense aux atteintes à la forêt amazonienne, c’est quelque chose que nous ne pouvons gérer dans notre droit », a justifié Mme Pompili. Mais « l’écocide, ce n’est pas forcément spectaculaire », a-t-elle ajouté, citant la pollution d’une rivière qui pourra être mieux réprimée grâce au nouveau délit créé.
Le délit d’« écocide » s’appuie sur un renforcement des sanctions pénales applicables en cas de pollution des eaux, de l’air et des sols mais est caractérisé par l’« intentionnalité » de la pollution.
Les dommages devront avoir un caractère « grave et durable », c’est-à-dire sur plus de dix ans – des amendements y compris d’élus de la majorité pour réduire cette durée ont été rejetés. La récidive pourra être plus facilement reconnue, ont en revanche voté les députés.
Vent debout contre une « écologie punitive », la droite a exprimé par la voix de Julien Aubert ses « vives inquiétudes » pour les entreprises face à « l’insécurité juridique » et « l’enfer normatif » créés par ces mesures de justice environnementale.
A l’inverse, la gauche juge le nouveau délit insuffisant, pas « à la hauteur des enjeux de ce siècle » selon Gérard Leseul (PS). Mathilde Panot (LFI) a pointé qu’il ne s’appliquera pas en cas de négligence et d’imprudence : « c’est un petit pas et nous demandons que la France agisse vraiment ». Dans la majorité, Souad Zitouni (LREM) venait de vanter « un grand pas pour l’homme, pour la biodiversité ».
Les oppositions ont critiqué de concert le terme d’« écocide » employé par le gouvernement, un « abus de langage » aux yeux des socialistes, une « hypocrisie » pour LR pour qui il s’agit d’un simple « délit d’atteinte à l’environnement ».
Le corapporteur Erwan Balanant (MoDem) a reconnu lui-même avoir été « un peu sceptique » sur ce délit. Mais « nous sommes sur le bon chemin ».
Le Conseil d’Etat a lui pointé un risque d’inconstitutionnalité de cette mesure jugée confuse et mal ficelée.
L’Assemblée a en outre donné son feu vert à un délit de mise en danger de l’environnement, sur le modèle de la mise en danger de la vie d’autrui, et qui sera puni de 3 ans de prison et de 300.000 euros d’amende. Le montant de toute une série d’amendes prévues par des articles du Code de l’environnement pourra en outre aller jusqu’à 100.000 euros.
Les députés ont enfin adopté le principe du « référé pénal environnemental », après le vote d’amendements du Modem Erwan Balanant, la LREM Naïma Moutchou et la PS Cécile Untermaïer.
« On est entrain de donner toujours plus de pouvoir » à « la République des ONG », s’est inquiété le LR Julien Aubert.
« Le référé sert toutes les parties », lui a répondu Mme Untermaïer.