Ceux qui doivent emprunter pour acheter un logement peuvent pousser un “ouf” de soulagement : Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne vient d’annoncer qu’il abaissait son taux directeur à 0,05%. Autrement dit, la Banque centrale européenne va désormais pouvoir prêter de l’argent presque gratuitement aux banques. Du coup, celles-ci peuvent continuer à prêter aux ménages, à des taux canons. Selon une étude CSA commandée par l’organisme de caution Crédit logement, le taux moyen des crédits immobiliers s’était déjà établi en aout dernier, à… 2,68% en moyenne. “Ce mouvement de recul, qui dure depuis plusieurs mois, est inédit depuis les années… 1940” soulignait alors l’étude de Crédit Logement/CSA. Et ce n’est pas fini. Le seuil des 2,5% devrait être franchi dans les prochains jours.
Car les banques se livrent à une concurrence acharnée pour prêter à leurs clients. La France, se classe d’ailleurs N°3 en Europe, pour l’encours des crédits immobiliers aux particuliers, avec un plus de 880 milliards d’euros empruntés. D’où vient, alors, cette impression, partagée par la plupart des emprunteurs et des associations de consommateurs, que les banques ont des oursins dans leurs poches et refusent de prêter? La réponse est simple, explique Marie-Christine Caffet, directrice du développement à la confédération du Crédit Mutuel: “elles sont vigilantes parce qu’elles craignent les accidents familiaux (chômage, divorce…) et la baisse des prix des logements. Mais c’est faux de dire qu’elles ne prêtent plus : nos encours augmentent de 1% par an en moyenne.”
Sur le papier, la production de prêts a même augmenté de 4% en 2013, et continue de progresser rapidement en 2014. Mais attention aux effets d’optique, car une grande partie des nouveaux crédits enregistrés par les banques sont en fait des… renégociations. Autrement dit, à chaque fois qu’un emprunteur renégocie son crédit en cours, la banque considère qu’il s’agit d’un nouveau crédit… Mais on ne prend jamais en compte le nombre des prêts remboursés par anticipation! Or, aujourd’hui, le poids des renégociations dans l’activité des banques s’envole.
Après une pause de plusieurs mois, les conditions se sont encore améliorées et les emprunteurs qui avaient obtenu (après une dure négociation) un prêt à 4% (Juillet 2011) ou à 4,5% (mi-2009) peuvent revenir voir leur banquier pour négocier ou passer chez un concurrent, qui l’accueillera sans doute les bras ouverts. Et on le comprend : le propriétaire, qui est déjà passé par les fourches caudines du banquier qui lui avait octroyé son premier prêt, a fait la preuve 1) qu’il remplit bien les conditions pour emprunter, 2) qu’il a payé avec régularité, jusqu’à là, ses mensualités.
Tout le monde à intérêt à renégocier ?
“La grande nouveauté, c’est qu’aujourd’hui, presque tout le monde à intérêt à la faire!” reconnait un banquier. Qui tempère aussitôt: “on a coutume de dire qu’il ne fallait pas que le prêt soit trop ancien pour que l’opération soit intéressante”. Pourquoi est-il moins intéressant de renégocier les prêts les plus anciens ? Parce qu’une grande partie des intérêts ont déjà été réglés par le paiement des premières mensualités (qui sont composés essentiellement d’intérêts et de très peu de capital). Mais ça, comme dit la publicité, c’était avant ! Car la très forte baisse des derniers mois a bouleversé la donne. De fait, confirme Sandrine Allonier, responsable des relations banques de Vousfinancer.com, “la baisse actuelle est telle que même les crédits qui ont déjà plus de dix ans peuvent dégager un gain significatif.”
Exemple : un prêt de 100.000 euros souscrit en 2003 et renégocié aujourd’hui permet d’économiser 4.200 euros de remboursement. Mais attention, une renégociation est une opération lourde qui mobilise beaucoup d’énergie. “En dessous d’un gain 4.500-5.000 euros, c’est inutile” prévient Sandrine Allonier”.
Cela laisse tout de même un champ considérable aux emprunteurs, comme le montre notre graphique (voir au début de cet article). Tous ceux qui ont signé leur prêt entre mi-2007 et m-2010 et entre mi-2011 et fin 2012 seront gagnants à toute renégociation. Cela ne fera sans doute pas plaisir aux banquiers, qui vont devoir (encore une fois) gérer un chassé-croisé de clients. Mais cela va redonner un peu de pouvoir d’achat à des Français qui en ont bien besoin…
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