Le conseil de Danone tranche le cas Faber le 1er mars

non dissocier les fonctions de président et de directeur général? Question subsidiaire, Emmanuel Faber, qui aujourd’hui concentre tous les pouvoirs, doit-il rester en place? Au terme d’une grande enquête auprès de plusieurs parties prenantes, à défaut d’avoir pu contacter les administrateurs eux-mêmes, Challenges propose un état des lieux des forces en présence, en tentant d’apprécier l’appui de chacun à la proposition de revenir à la gouvernance qui existait déjà entre 2014 et 2017. 

Le changement est presque certain

S’il est vraisemblable qu’un nouveau mode de gouvernance sera bien approuvé ce lundi, le jeu est en revanche plus ouvert concernant Faber. Le CA va devoir décider si le changement se fait immédiatement avec la recherche d’un directeur général ou s’il attend la fin du mandat du PDG actuel, dans un an. Il devra être décidé aussi qui sera le président non exécutif. Faber lui-même ou un autre. 

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La réunion ayant lieu en téléconférence, le dialogue sera d’autant moins aisé pour décider de questions aussi sensibles. Les membres vont devoir se dévoiler, à moins qu’Emmanuel Faber, conscient qu’il a de gros risques d’être mis en minorité, ne décide lui-même de remettre son mandat en jeu, dès le début de la réunion. Un tel vote de confiance, quel qu’en soit le résultat, lui éviterait d’avoir à subir des délibérations houleuses sur son action et la confiance qu’il inspire. 

Isabelle Seillier, “la banquière”

Nationalité française.

Membre depuis 2011.

Favorable à un changement de gouvernance.

Cette dirigeante de la banque américaine JP Morgan avait réussi l’exploit de faire entrer son établissement chez Danone, qui était de longue date la chasse gardée de la banque Lazard. Proche d’Emmanuel Faber qu’elle connait depuis plus de 20 ans, elle fait partie des rares à pouvoir lui parler franchement. Mais elle ne le suit pas aveuglément et ne prendra pas le risque de contredire les marchés financiers et sans doute aussi son employeur américain, en soutenant le PDG de Danone.

Jean-Michel Severino, “l’engagé”

Nationalité française

Membre depuis 2011.

Défavorable à un changement de gouvernance.

Cet énarque, inspecteur des Finances, passé par la Banque Mondiale et l’Agence africaine de Développement, est à la tête du fonds I&P spécialisé dans le développement des PME africaines. Cet homme de réseaux siège au Conseil de Danone en qualité d’administrateur indépendant selon les règles Afep-Medef même si Danone est actionnaire de son fonds. Le groupe français appuie avec lui et le fonds d’investissement Phistrust (autre soutien de Faber) la Laiterie du Berger au Sénégal.

Virginia Stallings, “la scientifique”

Nationalité américaine. 

Membre depuis 2012. 

Favorable à un changement de gouvernance.

Cette professeure en pédiatrie a connu Danone via l’institut scientifique créé par le groupe aux Etats-Unis. Scientifique reconnue, elle n’en est pas moins passionnée par les marques et les produits. Peu impliquée dans les actuels débats sur la gouvernance du groupe. 

Bettina Theissig, “l’administratrice salariée”

Nationalité allemande.

Membre depuis 2013. 

Pas  facile pour les administrateurs salariés de devoir donner un avis sur le plan Local First qui va contribuer à supprimer des emplois et sur la gouvernance qui peut contribuer à désavouer leur patron. Bettina Theissig qui travaille dans la division baby food, connait bien Jan Bennink, ancien directeur général de Danone qui conseille aujourd’hui le fonds Artisan, principal contestataire de la stratégie d’Emmanuel Faber. 

Frédéric Boutebba, “l’administrateur salarié”

Nationalité française.

Membre depuis 2016. 

Ce syndicaliste issu de l’activité eaux de Danone, président du conseil des Prud’hommes de Bergerac, ne devrait pas forcément approuver le plan d’économie et ses nombreuses suppressions d’emplois. Il a bien connu Franck Riboud. 

Gaelle Olivier, “l’actuaire”

Nationalité française.

Membre depuis 2014. 

Défavorable à un changement de gouvernance. 

Cette administratrice indépendante a passé l’essentiel de sa carrière chez l’assureur Axa, où elle occupa notamment la fonction clé de secrétaire générale du Conseil de surveillance. Proche d’Emmanuel Faber, elle devrait le soutenir. 

Lionel Zinsou, “le stratège”

(crédit photo: PIUS UTOMI EKPEI / AFP)

Nationalité française et béninoise. 

Membre depuis 2014. 

Favorable à un changement de gouvernance. 

Cet ancien Premier ministre du Bénin, ancien banquier chez Rotschild et ancien Président du fonds PAI, a aussi été jadis un des dirigeants de Danone. Passé par le cabinet de Laurent Fabius à Matignon, il était entré dans le groupe Danone, recommandé par Louis Schweitzer, un ami d’Antoine Riboud. Il faisait partie des quatre cadres de hauts potentiels qui auraient pu devenir PDG lorsque Franck Riboud lui fut préféré. Au terme d’une riche carrière, il n’a plus rien à prouver mais c’est bien lui qui mène la rébellion face à Emmanuel Faber. 

Serpil Timuray, “l’experte en marketing”

Nationalité turque.

Membre depuis 2015.

Favorable à un changement de gouvernance. 

Ancienne directrice du marketing de Danone en Turquie, passée par Procter, aujourd’hui dirigeante de Vodafone en Europe, cette passionnée de marketing est favorable à une organisation plus efficace, avec un effort accru sur l’innovation. 

Clara Gaymard, “la politique”

(crédit photo: PATRICK KOVARIK / AFP)

Nationalité française. 

Membre depuis 2016. 

Défavorable à un changement de gouvernance. 

Cette énarque, mère de 8 enfants, épouse d’un ancien ministre et fille du professeur Jérôme Lejeune, dont le procès en canonisation avance à grand pas au Vatican, est aussi l’ancienne présidente de GE en France et la co-fondatrice du fonds d’investissement Raise dont le groupe Danone est actionnaire. Ce dernier détail tend à atténuer son statut d’administratrice indépendante, qui lui est conféré pourtant en vertu de la définition retenue par le code Afep-Medef. Elle fait certainement partie de ceux qui voudront qu’on laisse les mains libres à Emmanuel Faber pour mener sa stratégie. 

Michel Landel, “le restaurateur”

Nationalité française.

Membre depuis 2018.

Favorable à un changement 

Cet ancien directeur général de Sodexo, n’aura pas duré très longtemps comme administrateur référent, une mission impossible dans un groupe dirigé de façon solitaire par Emmanuel Faber. Car c’est peu de dire que le PDG de Danone ne considère pas l’information et la consultation de son CA comme une priorité. A 70 ans, cet homme de terrain quitte officiellement Danone le 29 avril prochain, et en serait dit-on assez soulagé. Il est remplacé à ce poste clé par Gilles Schnepp. 

Cécile Cabanis, “l’ambitieuse”

(crédit photo: PATRICK KOVARIK / AFP)

Nationalité française. 

Membre depuis 2018. 

Favorable à  un changement de gouvernance. 

Très  attachée à Emmanuel Faber qui était allé la débaucher chez Orange en 2004, cette fidèle est sans doute la seule collaboratrice à avoir tenu aussi longtemps le rythme de travail imposé par son mentor. Déçue de ne pas obtenir le poste de DG qu’elle convoitait, c’est bien elle qui a involontairement révélé au grand jour les tensions au sommet du groupe en annonçant sa démission en octobre 2020. Proche du banquier Mathieu Pigasse. 

Guido Barilla, “l’industriel”

Nationalité italienne.

Membre depuis 2018. 

Favorable à un changement de gouvernance. 

Le président du groupe Barilla connait Danone depuis toujours, son père Pietro était un ami d’Antoine Riboud. Il s’exprime souvent en anglais même s’il parle français avec un accent à couper au couteau, mais cela ne l’empêche pas de contester ouvertement l’action de Faber. Il conserve les blessures de la crise qu’il avait suscité en tenant des propos homophobes, il y a quelques années et fuit les médias comme la peste. 

Gilles Schnepp, “l’homme providentiel”

Nationalité française. 

Membre depuis 2021. 

Il a été coopté par le conseil mais n’est pas encore confirmé par l’Assemblée générale. Cet HEC, originaire de Lyon venait de perdre ses fonctions de président de Legrand et de vice-président de Peugeot quand la proposition lui a été faite par un cabinet de chasseur de têtes de succéder à Michel Landel comme administrateur référent de Danone. Pas sur qu’Emmanuel Faber n’ait pas quelque regret de l’avoir rapidement approuvé car Schnepp est aujourd’hui l’homme idéal pour lui prendre son job. Les fonds contestataires, rappellent avec malice qu’il a mis en place une gouvernance exemplaire à la tête de Legrand. 

Benoît Potier, “le sage”

Nationalité française.

Membre depuis 2002. 

Favorable à une nouvelle gouvernance. 

Le PDG d’Air Liquide, présent depuis 18 ans au Conseil de Danone, est un militant d’une gouvernance qui dialogue en permanence avec ses actionnaires qu’ils soient petits ou grands. Une discipline qu’il tient de son prédécesseur à la tête d’Air Liquide et au Conseil de Danone, Edouard de Royère, un vieil ami d’Antoine Riboud. Benoît Potier quitte le Conseil cette année. 

Franck Riboud, “la figure tutélaire”

Emmanuel Faber et Franck Riboud en 2017 (crédit photo : ERIC PIERMONT / AFP)

Nationalité française

Membre depuis 1992. 

Entré dans le groupe créé par son père en 1982, Franck Riboud s’est révélé à la fois comme un grand stratège et un homme de terrain non conformiste. C’est lui qui a positionné Danone sur le créneau de la santé et qui a adapté le double projet à un groupe de dimension mondiale. Il semble regretter d’avoir choisi Emmanuel Faber pour lui succéder mais continue à refuser tout commentaire sur l’action de son dauphin. Le divorce semble consommé mais l’un et l’autre laissent à leurs proches le soin de le commenter.   

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