Dubaï s’est transformé en une destination très prisée des Russes fortunés, cherchant à placer leur argent ou à reconstruire leur vie après l’invasion de l’Ukraine par le président Vladimir Poutine il y a deux ans. Cet attrait s’estompe désormais, alors que le coût de la vie dans l’émirat huppé augmente et que ses banques durcissent l’application des sanctions américaines.
Les flux d’argent russes vers les Émirats arabes unis – dont fait partie Dubaï – montrent des signes de ralentissement, selon des banquiers, cadres d’entreprise et professionnels de l’investissement. Ils ne prévoient pas pour autant un exode massif des capitaux déjà présents dans les Émirats, mais estiment que le pays a déjà largement bénéficié de l’afflux d’argent russe et n’en accueillera plus autant à l’avenir.
Certains Russes nouvellement arrivés envisagent de s’installer ailleurs ou même de rentrer au pays, face à la flambée des loyers et des coûts de la vie quotidienne à Dubaï due à l’arrivée en masse de leurs compatriotes. Contrairement aux États-Unis et à l’UE, les Émirats n’ont pas mis en place de sanctions contre la Russie. Mais les banques locales soumettent désormais les demandes d’ouverture de compte d’entités russes à un examen approfondi, sous la pression accrue des États-Unis pour lutter contre l’évasion des sanctions.
La société d’immigration par investissement Henley & Partners constate ainsi une baisse du nombre de Russes s’installant aux Émirats. “La tendance est à la baisse”, indique Philippe Amarante, responsable de la région Moyen-Orient. “Certains de mes clients russes ont même réduit les actifs immobiliers qu’ils avaient achetés à Dubaï il y a deux ans, ne conservant qu’une petite base ici, et sont retournés à Moscou ou se sont installés dans d’autres juridictions très attractives comme l’île Maurice.”
Les banques basées aux Émirats, comme Emirates NBD, Mashreqbank et First Abu Dhabi Bank, ont renforcé leur suivi des entités russes et leurs efforts de conformité aux sanctions américaines ces derniers mois. Si les Russes de la classe moyenne non sanctionnés n’ont généralement pas rencontré de problèmes majeurs pour ouvrir des comptes, plusieurs Russes sous le coup de sanctions ont été rejetés. Ceux ayant des affiliations politiques ou des liens avec des personnes sanctionnées ont également fait face à des difficultés dans la gestion de leurs comptes.
Même les entreprises russes qui n’ont pas eu de problèmes bancaires font face à d’autres défis à Dubaï, comme des coûts de fonctionnement trop élevés. Le géant russe des engrais EuroChem a ainsi réduit ses effectifs sur place et rapatrié certaines fonctions à Moscou, jugeant trop coûteux de maintenir ses opérations dans l’émirat face aux loyers record et aux frais de scolarité.
Au-delà des considérations financières, de nombreux Russes établis à Dubaï envisagent un départ définitif, lassés du coût de la vie élevé et de la chaleur écrasante de l’été, et préfèrent s’orienter vers l’Europe ou d’autres destinations. “C’est comme un aéroport-café où tout le monde n’attend que le prochain vol”, résume Ivan Kozlov, un Russe ayant cofondé une start-up à Dubaï.
Malgré ces pressions, les Russes ont tout de même laissé leur empreinte sur Dubaï, avec leurs propres structures médicales, cabinets dentaires et académie de football. Mais cela ne suffit pas à convaincre certains de rester sur le long terme.