Alors qu’en mai 2016, Ségolène Royal, la ministre de l’Ecologie, menaçait de poursuivre la Commission européenne si les critères censés réglementer les produits reconnus comme des perturbateurs endocriniens devaient être un peu trop servir les intérêts des industriels au détriment de la santé des concitoyens – pointant du doigt le glyphosate – l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a annoncé le 15 mars qu’elle ne classait pas le glyphosate parmi les agents cancérogènes. Noyant le poisson entre perturbateur endocrinien ou agent cancérogène, les lobbies semblent décidément vouloir jouer avec notre santé, qui semble bel et bien menacée quelle que soit le nom porté par le danger.
Jack de Bruijn, directeur de cette division de l’ECHA a par ailleurs indiqué que l’avis avait fait consensus parmi les membres du Comité d’évaluation du risque. « Les experts se sont basés sur toutes les informations disponibles sur le glyphosate, à la fois concernant des études sur les humains et sur les animaux », a-t-il précisé.
L’ECHA, chargée de la classification des produits chimiques dans l’UE, doit déterminer le danger potentiel intrinsèque des substances évaluées, sans toutefois prendre en compte les critères d’exposition. Sur son site internet, l’Agence nous précise qu’elle s’emploie à sécuriser l’usage des produits chimiques et qu’elle veille à l’application de la législation innovante de l’UE sur ces substances, qui profite – selon elle – à la santé humaine, à l’environnement, à l’innovation et à la compétitivité en Europe. Gardant ainsi le « meilleur » des objectifs pour la fin : la bonne santé des entreprises.
En décidant de ne pas classer le glyphosate, le principe actif du Roundup de Monsanto et la substance pesticide la plus utilisée au monde, parmi les agents cancérogènes, l’ECHA prend ainsi le contre-pied de l’Organisation mondiale de la santé. Elle ouvre désormais la voie à une ré-autorisation du produit en Europe.
L’utilisation de cette substance est en effet devenue de plus en plus controversée, les défenseurs de l’environnement menant une campagne active à son encontre. La Commission européenne n’est pas parvenue à convaincre les États membres de renouveler la licence de l’herbicide arrivée à expiration cet été.
Fin juin, lors d’un vote au sein d’un comité scientifique où les États membres sont représentés, la France et Malte avaient voté contre et sept pays s’étaient abstenus (Allemagne, Italie, Portugal, Autriche, Luxembourg, Grèce, Bulgarie), bloquant la décision.
L’exécutif européen avait alors accordé une prolongation de 18 mois à la substance compte-tenu notamment des enjeux économiques associés. Le glyphosate est en effet le principal produit rentrant dans la composition des herbicides les plus utilisés par les agriculteurs européens. Des restrictions à son utilisation ont tout de même été instaurées : l’interdiction de certains adjuvants du glyphosate et la limitation de son exploitation dans les parcs et les jardins publics.
Les conclusions finales de l’ECHA seront transmises ultérieurement à la Commission européenne. Laquelle attend cet avis pour prendre une décision concernant l’avenir du glyphosate dans l’UE.
En mai 2016, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, avait déclaré à l’antenne de France Info qu’« indépendamment [du] caractère cancérigène ou non du glyphosate, […] les études dont nous disposons montrent que c’est un perturbateur endocrinien ». Ajoutant : « en attendant d’autres études […] pour 2017, […] nous ne renouvelons pas l’autorisation du glyphosate ».
Dans un communiqué de presse appelant à « enterrer cet herbicide », France Nature Environnement, fédération française des associations de protection de la nature et de l’environnement, précisait alors que le glyphosate impacte « négativement la fertilité masculine » et que « les perturbateurs endocriniens représentent une dépense de 4 milliards d’euros par an au système de santé français ».
Elisabeth Studer – 15 mars 2017 – www.leblogfinance.com
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