Le Japon met aux enchères son riz pour enrayer l’inflation

Face à une augmentation sans précédent des prix du riz sur le marché domestique, le gouvernement japonais procède à la mise aux enchères d’une partie de ses stocks stratégiques. Cette décision inédite vise à réguler une dynamique inflationniste qui pèse sur les ménages et révèle les fragilités structurelles du secteur céréalier national.

En l’espace d’un an, le prix du riz de consommation courante a connu une hausse vertigineuse, atteignant des niveaux inédits dans les supermarchés japonais. D’après les dernières estimations du ministère de l’Agriculture, un sac de cinq kilogrammes s’affichait en moyenne à 3 939 yens (environ 25 euros) en février, un tarif qui pèse sur le pouvoir d’achat des consommateurs déjà mis à mal par une érosion continue des revenus réels et la dépréciation du yen.

Malgré une production nationale stable d’environ sept millions de tonnes en 2024, aucun facteur agricole majeur n’explique cette poussée inflationniste. Toutefois, l’annonce de risques sismiques accrus au cours de l’été dernier a entraîné un effet de panique parmi les consommateurs, incitant de nombreux ménages à stocker d’importantes quantités de riz. Cette ruée a entraîné des ruptures temporaires de stocks dans plusieurs enseignes, un contexte qui a favorisé des pratiques de rétention de marchandise par certains intermédiaires soucieux de capitaliser sur la hausse des prix.

Une intervention gouvernementale inédite

Pour contenir cette dynamique et tenter de stabiliser le marché, les autorités ont décidé de libérer progressivement une partie des réserves stratégiques du pays. Depuis le début de la semaine, 150 000 tonnes de riz sont mises aux enchères, issues des 910 000 tonnes entreposées dans des silos répartis sur le territoire.

Les premiers lots ont été proposés aux grossistes, qui assureront la redistribution vers les grandes surfaces. Cette offre supplémentaire devrait permettre une mise en rayon des premiers lots d’ici fin mars ou début avril. En parallèle, une seconde vente de 60 000 tonnes est déjà programmée afin de renforcer l’impact sur les prix.

Interrogé par les parlementaires, le ministre de l’Agriculture a confirmé la volonté de l’exécutif d’aller plus loin si la stratégie actuelle ne parvient pas à modérer les tensions sur le marché. « Si ces mesures s’avèrent insuffisantes, nous sommes prêts à libérer davantage de volumes pour fluidifier l’approvisionnement et soutenir les consommateurs », a-t-il déclaré.

Un modèle agricole sous pression

Au-delà des fluctuations conjoncturelles, cette flambée des prix met en lumière les tensions structurelles qui affectent la filière rizicole japonaise. La consommation nationale de riz est en déclin constant, une tendance directement liée à la baisse démographique et à l’évolution des habitudes alimentaires.

Depuis plusieurs décennies, l’État japonais a instauré une politique de réduction volontaire des surfaces cultivables afin d’adapter l’offre à la demande et de préserver un prix élevé pour les producteurs locaux. Ce dispositif, connu sous le nom de « gentan », limite également les importations pour protéger la production nationale et garantir la rentabilité des exploitations agricoles.

Toutefois, cette régulation stricte montre ses limites lorsqu’une variation soudaine de la demande bouleverse l’équilibre du marché. Les contraintes imposées par ce système rendent les ajustements plus difficiles, augmentant ainsi la vulnérabilité du secteur aux chocs extérieurs.

L’intervention en cours pourrait atténuer temporairement la pression sur les prix, mais la soutenabilité à long terme du modèle agricole japonais reste une question ouverte, notamment face aux défis économiques et démographiques qui se profilent.

LAISSER UN COMMENTAIRE

Veuillez entrez votre commentaire
Veuillez entrer votre nom