Le plan Juncker pour faire battre le cœur artificiel de Carmat

Une caution de plus pour le cœur de Carmat ? Le rêve fou du professeur Alain Carpentier – le premier cœur totalement artificiel sur étagère, pour les malades souffrant d’insuffisance cardiaque bi-ventriculaire terminale – vient de franchir un pas supplémentaire avec la signature, ce 17 décembre, d’un prêt de 30 millions d’euros de la Banque Européenne d’Investissement, la banque de l’Union Européenne. Le prêt, soutenu par le Fonds européen pour les investissements stratégiques, le bras financier du plan Juncker, a été signé lors d’une visite par Ambroise Fayolle, le vice-président de la BEI, du tout nouveau site d’assemblage automatisé de Carmat, à Bois d’Arcy, dans les Yvelines. ” Ce financement va soutenir la mise sur le marché du cœur artificiel le plus avancé au monde tout en contribuant à l’augmentation des capacités de production de Carmat “, s’est réjoui ce dernier.

 Joli coup de pouce financier – et d’image pour la Med Tech française, comme pour la capacité à innover en Europe. Ce prêt va épauler Carmat dans ses études cliniques en attendant le fameux marquage CE de sa prothèse, sésame indispensable à sa commercialisation, et annoncé dès 2019. Cette année, Carmat a nettement accéléré sa mue en entreprise industrielle. En tête, elle a reçu en août dernier le feu vert européen à la certification de son usine de Bois-d’Arcy, une entité qui pourra atteindre une capacité de production de 800 bioprothèses par an – à des années-lumière de son site historique de Vélizy qui ne fabrique que quelques unités par an.

Un nouveau président 

Ultra hi-tech, avec notamment une station logicielle entièrement automatisée, l’usine de Bois d’Arcy a nécessité un investissement de 2,5 millions d’euros. Elle va surtout alimenter les essais cliniques de phase III, pour confirmer la validité du produit, que Carmat mène actuellement au niveau international sur vingt patients. Cet été aussi, Carmat avait annoncé le succès de la première transplantation d’un cœur humain sur un patient précédemment implanté et soutenu durant huit mois par son cœur artificiel. A l’époque, comme à chaque bonne nouvelle pour ce projet, son titre s’était envolé en bourse.

Malgré tout, le rêve de Carmat reste fragile et surtout très gourmand en cash. Toutes les cautions, financières ou autres, sont donc les bienvenues pour ce projet lancé dans les années 80, alors avec le soutien personnel de Jean-Luc Lagardère et de Matra. L’entreprise compte aujourd’hui parmi ses actionnaires Airbus Group, un ticket hérité de Matra Defense, mais aussi Bpifrance. Début décembre, elle a recruté Jean-Pierre Garnier, vieux routier de la big pharma, pour présider son conseil d’administration, en remplacement du président sortant Jean-Claude Cadudal, qui prend sa retraite. Une caution supplémentaire et non des moindres. Profil dual, diplômé de Stanford et de Louis Pasteur, à la fois scientifique et manager, Jean-Pierre Garnier, est passé pour les plus grands laboratoires : Schering-Plough dont il a piloté les activités américaines, mais surtout SmithKline Beecham qu’il a présidé et fusionné avec Glaxo Wellcome durant les années folles des restructurations à tout crin dans cette industrie. Ces dernières années, Jean-Pierre Garnier s’était davantage investi dans les biotech – Radius Health (cancer) ou encore Actélion. Un parcours complet qui a certainement dû rassurer aussi  la BEI.

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