Dans un contexte global plus que morose pour le crédit à la consommation, les Rencontres parlementaires sur la consommation ont permis de mettre en évidence les bienfaits de la loi Lagarde, tout en esquissant les contours de la prochaine réforme du gouvernement prévue au printemps prochain.
Associations de défense des consommateurs, députés et professionnels étaient unanimes mardi 12 février pour souligner les effets positifs de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 tels que la convergence des taux d’usure ou la réduction du poids des crédits revolving dans le marché du crédit à la consommation. Deux ans et demi après sa publication, l’heure d’un premier bilan a ainsi sonné pour les intervenants des Rencontres parlementaires sur la consommation et le crédit. L’occasion également de pointer les limites actuelles de la loi Lagarde.
Les zones grises de la loi Lagarde
« La loi Lagarde a eu des effets positifs, notamment sur le crédit renouvelable », a indiqué la députée du Tarn-et-Garonne, Valérie Rabault, vice-présidente de la commission des Finances de l’Assemblée nationale. Un constat largement partagé par la directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), Nathalie Homobono, qui pointe tout de même trois pistes de progrès. L’encadrement du crédit doit être amélioré selon elle, notamment en ce qui concerne l’obligation des vendeurs de proposer une alternative au crédit renouvelable à partir de 1.000 euros, ou leur rémunération, encore trop souvent incitative, qui les pousse à mettre en avant ce type de produits. La directrice de la DGCCRF souhaite également un renforcement des contrôles, avec la possibilité de tests anonymes, jugés plus efficaces. Nathalie Homobono se montre enfin favorable au principe de la création d’un registre national des crédits aux particuliers (RNCP), ou fichier positif, qui permettrait aux vendeurs « de vérifier la solvabilité des candidats ».
Dans le sillage de ces préconisations, le ministre délégué en charge de l’Economie sociale et solidaire et de la Consommation, Benoit Hamon a confirmé la volonté du gouvernement d’aller plus loin que les dispositions de la loi Lagarde. De nouvelles mesures concernant l’environnement du secteur du crédit seront ainsi proposées au cours d’une loi sur la consommation, présentée au conseil des ministres en avril puis soumise au vote de l’Assemblée nationale en juin.
Le coût du fichier positif au centre des interrogations
Premier grand chantier inscrit à ce projet de loi, la création du fameux fichier positif destiné à lutter contre le surendettement. « Le nombre de dossiers de surendettement déposés chaque année est passé de 156.000 à 196.000 entre 2007 et 2012 », a rappelé Valérie Rabault. Les derniers chiffres de la Banque de France montrent pourtant une diminution de 5 % en 2012, en l’absence de fichier positif. Henri Jullien, le directeur général des activités fiduciaires de la Banque de France qui devra gérer ce registre estime d’ailleurs que son impact sera limité « entre 20 et 50.000 dossiers en moins » mais qu’il « restera toujours autour de 200.000 dossiers de surendettement ». Henri Jullien a par ailleurs mis en cause le coût, la lourdeur et les risques pour les libertés individuelles découlant de la mise en place de ce fichier de plus de 26 millions de personnes. Ces arguments ont été repris par la présidente de l’association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV), Reine-Claude Mader, qui a évalué à « 800 millions d’euros » le coût d’installation de ce fichier et à « 35 millions d’euros » ses coûts de gestion annuel.
Balayant les critiques sur le coût de ce fichier, « des estimations très largement surévaluées », Benoît Hamon a indiqué qu’il anticipait un coût « autour de 100 millions d’euros », ajoutant que les frais de gestion « seront supportés par les établissements de crédits ». Un avis partagé par la Cour des comptes dont le dernier rapport sur le surendettement estime que « les montants avancés par les banques françaises reposent sur des hypothèses fragiles ». « Au demeurant, ces chiffres doivent être mis en perspective avec les enjeux financiers croissants liés aux effacements de dettes dans le cadre des procédures de rétablissement personnel », relativisent les Sages de la rue Cambon.
Un délai d’instauration d’un an minimum
Au sujet des craintes sur les libertés individuelles, l’ancien porte-parole du Parti Socialiste s’est voulu rassurant. « Seuls les établissements de crédits agréés pourront y avoir accès », laissant en suspens la nécessité d’une autorisation expresse de l’emprunteur comme l’avait évoqué plus tôt le sénateur du Puy-de-Dôme Alain Néry. « La construction technique d’un tel outil n’a rien d’insurmontable », a complété le ministre en charge de la Consommation, évaluant à « un an minimum » le délai nécessaire à son instauration à partir du vote de la loi. Ce qui repousserait son entrée en vigueur à l’été 2014.
« Ce registre constitue sans doute un instrument de lutte contre la pauvreté et le surendettement mais aussi de stimulation de la concurrence sur le marché du crédit », a-t-il argumenté. Le ministre a également prévenu que les effets du RNCP ne seraient sans doute pas immédiats. « Ce fichier ne vas pas éteindre d’un seul coup le surendettement. Il est même possible qu’en raison d’une détection plus précoce, il augmente le nombre de dossier recensés par la Banque de France ».
D’autres mesures en préparation
Le renforcement de l’encadrement du marché du crédit ne s’arrêtera pas au seul fichier positif. La loi de consommation « renforcera la palette des moyens répressifs de la DGCCRF », a ajouté Benoît Hamon. Concernant les « zones grises » qui subsistent malgré le dispositif Lagarde, le ministre a annoncé que l’offre d’une alternative au crédit renouvelable au-dessus d’un montant de 1.000 euros serait rendue obligatoire par le nouveau texte. La déliaison entre les cartes de fidélité et les crédits renouvelables est également à l’étude. « Une offre dissociée doit au minimum exister », a précisé le ministre.