Al’image d’Henri le Navigateur qui finança les expéditions portugaises au xve siècle, ou de Ferdinand et Isabelle de Castille qui permirent à Christophe Colomb d’organiser ses voyages, les patrons milliardaires d’aujourd’hui semblent férus d’aventures et d’explorations : Richard Branson et Jeff Bezos sont déjà allés aux confins de l’atmosphère ; père du programme SpaceX, Elon Musk envisage de coloniser Mars ; et tous se battent pour décrocher des contrats d’expédition sur la Lune.
La ressemblance avec les anciens monarques ne se limite pas à l’exploration. Comme autrefois, les magnats du xxie siècle édifient leurs propres monuments, qu’il s’agisse de gratte-ciel comme à Londres ou New York, ou de vastes campus et sièges futuristes dans la Silicon Valley. En guise de cabriolets et carrosses, ils utilisent limousine, jet privé ou yacht pour se distinguer du vulgum pecus.
Comme les rois de jadis, ils doivent affronter des rivaux puissants et parfois envieux. Les conseils d’administration et comités exécutifs sont peuplés d’ambitieux, qui remplacent les anciens barons féodaux. Le risque existe toujours de perdre sa couronne, mais la probabilité d’être décapité dans ce cas est bien plus faible que celle d’empocher de généreuses indemnités. Le grand patron règne comme le Roi-Soleil, son entourage étant réglé sur ses faits et gestes
Autre parallèle : l’arrogance. Quand il n’aimait pas ce qu’on lui servait, le magnat Robert Maxwell balançait son assiette par terre. Et tel Louis xiv interceptant le courrier de ses courtisans, il espionnait les conversations téléphoniques de son personnel.
Il y a également les fêtes fastueuses. Les patrons modernes engagent fréquemment des rock stars pour leur anniversaire. Carlos Ghosn, le patron déchu de Renault Nissan, a même organisé une soirée extravagante dans la demeure du Roi-Soleil à Versailles. Les dynasties royales agrandissaient leur territoire par la guerre et les mariages stratégiques ; aujourd’hui, les grands patrons font la même chose au travers des fusions et des acquisitions.
Mais les monarques d’hier péchaient souvent par excès d’ambition : en voulant se battre contre les Anglais et les Hollandais, le roi Philippe II d’Espagne a entraîné son pays dans un long déclin. Le même piège guette les grands du monde actuel : ils font souvent l’erreur de trop s’endetter en acquérant des entreprises qui ne s’intègrent pas au reste de leurs activités. Ou bien ils se croient suffisamment forts pour gagner plusieurs batailles à la fois, dans l’espace et sur les routes par exemple. L’histoire prouve que c’est au faîte de leur gloire que les grands monarques sont le plus en danger.•