Un nouveau rapport dresse un bilan en demi-teinte de l’efficacité du crédit d’impôt recherche. S’il s’est traduit par une augmentation des dépenses de R&D, la “part dans les dépenses mondiales engagées par les groupes français les plus actifs en R&D s’est effritée”, souligne France Stratégie.
Le crédit d’impôt recherche (CIR), qui coûte plus de 6 milliards d’euros par an à l’État, doit-il être revu? Un rapport, qui dresse un bilan en demi-teinte de son efficacité, pourrait relancer le débat sur cette niche fiscale déjà très critiquée par le passé.
Créé en 1993 et réformé en 2008, le CIR permet aux entreprises de déduire de l’impôt sur les sociétés 30% de leurs investissements en recherche et développement (R&D) dans la limite de 100 millions d’euros, et 5% au-delà. Selon les derniers chiffres connus, il a coûté 6,2 milliards d’euros à l’État en 2019. Avec la fin des derniers versements au titre du Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) l’an prochain, il deviendra la première niche fiscale française.
Un premier bilan réalisé en 2019 montrait une hausse globale des efforts de R&D en France grâce au CIR depuis sa réforme de 2008. Mardi, la Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation (Cnepi), dépendant de France Stratégie, dresse cette fois un bilan en demi-teinte de cette réforme sur les performances économiques des entreprises qui en bénéficient et sur l’attractivité de la France.
Pas d’impact sur l’attractivité de la France
Son rapport insiste sur le fait que “la réforme du CIR (de 2008) a eu des effets positifs et statistiquement significatifs sur les activités de R&D et le chiffre d’affaires, mais pas sur la valeur ajoutée et l’investissement, à l’exception de l’investissement incorporel (acquisition de logiciels, de brevets, etc.)” Par ailleurs, “les effets identifiés sont positifs sur les PME, mais non significatifs sur les grandes entreprises”, ajoute le rapport.
Surtout, si le CIR a permis d’accroître les dépenses de R&D en France des entreprises françaises (+12%), face à la montée en puissance de la Chine, la “part dans les dépenses mondiales engagées par les groupes (français) les plus actifs en R&D s’est effritée”, davantage que pour les multinationales allemandes ou américaines. En parallèle, le CIR n’a pas eu d’impact significatif sur l’attractivité de la France, un aspect pourtant régulièrement mis en avant par les pouvoirs publics pour défendre le dispositif.
“Nous ne sommes pas devenus une terre d’élection pour les grands groupes mondiaux qui croissaient à toute allure” a souligné Gilles de Margerie, commissaire général de France Stratégie, lors d’une visio-conférence de presse. De quoi alimenter les critiques face à ce dispositif, dont la Cour des comptes relevait en 2013 qu’il pouvait s’avérer un outil d’optimisation fiscale pour les entreprises. Selon France Stratégie d’ailleurs, le CIR permet aux entreprises de réduire de 5 à 15 points leur taux implicite d’imposition sur les sociétés (le rapport entre l’impôt sur les sociétés effectivement payé et l’excédent brut d’exploitation, un indicateur clé de rentabilité).
Polémique Sanofi
Ce sujet enflamme régulièrement la scène politique, entre les défenseurs de ce dispositif perçu comme un soutien indispensable à l’innovation, et ceux qui réclament davantage de contrôles, voire sa suppression, à l’image de la France Insoumise. En 2015, l’ex-sénatrice communiste Brigitte Gonthier-Maurin avait vu son projet de rapport, très critique sur l’efficacité du dispositif, retoqué par le Sénat, une décision extrêmement rare.
Le CIR est aussi souvent mis quand un grand groupe français annonce des coupes dans ses effectifs. En mars dernier, lorsque Sanofi a annoncé des suppressions d’emplois dans la recherche et développement (R&D), la CGT du groupe avait ainsi jugé “inacceptable que le crédit d’impôt recherche serve à payer les plans de licenciements” et les “dividendes” versés aux actionnaires.
Fin 2020, l’ex-ministre de l’Economie Arnaud Montebourg avait fustigé le plan de licenciements envisagé par le groupe finlandais Nokia, qui comptait supprimer 986 emplois, essentiellement en recherche et développement en France, “alors que l’État lui avait versé 273 millions d’euros de crédit d’impôt recherche”.
Au gouvernement, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire est un grand défenseur de ce dispositif et plaide pour sa “sanctuarisation”. Le mouvement des gilets jaunes et la recherche d’économies pour financer les mesures de pouvoir d’achat ont quand même conduit le gouvernement à le raboter légèrement. Le rapport pourrait-il l’inciter à un nouveau coup de canif? Bruno le Maire “s’est prononcé pour la stabilité fiscale. On ne touchera pas à la fiscalité”, balaie-t-on à Bercy.