Le géant américain de la gestion d’actifs, BlackRock, a conclu un accord majeur pour l’acquisition de deux ports stratégiquement situés aux extrémités du canal de Panama, précédemment détenus par la société hongkongaise CK Hutchison Holdings. Cette transaction, évaluée à 23 milliards de dollars, comprend également 43 autres ports répartis dans 23 pays, renforçant ainsi la présence de BlackRock dans le secteur mondial des infrastructures portuaires.
Cette décision intervient dans un climat de préoccupations croissantes aux États-Unis concernant l’influence chinoise sur des infrastructures critiques en Amérique latine. Le président Donald Trump avait exprimé des inquiétudes quant au contrôle potentiel de la Chine sur le canal de Panama, bien que celui-ci soit administré par le Panama depuis 1999. Les ports de Balboa et de Cristóbal, situés respectivement sur les côtes Pacifique et Atlantique du canal, étaient gérés par Hutchison Ports PPC, une filiale de CK Hutchison, depuis 1997.
L’accord prévoit que BlackRock, en partenariat avec Terminal Investment Limited, prenne une participation majoritaire de 80 % dans les 43 ports concernés, y compris une participation de 90 % dans les deux ports panaméens. Ces installations ont joué un rôle essentiel dans le transit de 39 % du tonnage total du canal en 2024, selon l’Autorité maritime de Panama.
Les discussions entre BlackRock et CK Hutchison ont débuté il y a quelques semaines, le conglomérat hongkongais cherchant à réduire son exposition aux pressions politiques croissantes liées à ses actifs portuaires à l’étranger. La famille Li, propriétaire de CK Hutchison, a spécifiquement recherché un acquéreur américain pour atténuer les tensions géopolitiques entourant ses opérations portuaires en dehors de la Chine continentale et de Hong Kong.
L’administration Trump a accueilli favorablement cette acquisition, la considérant comme une réponse aux préoccupations concernant l’influence chinoise sur des infrastructures stratégiques en Amérique latine. Des membres de BlackRock, dont le PDG Laurence D. Fink, ont informé des responsables américains, notamment le secrétaire au Trésor Scott Bessent et le secrétaire d’État Marco Rubio, des détails de l’accord.
Le président panaméen, José Raúl Mulino, a minimisé les implications géopolitiques de cette acquisition, la qualifiant de « transaction mondiale entre entreprises privées, motivée par des intérêts mutuels ». Cependant, cette vente intervient alors que le Panama a récemment décidé de se retirer de l’Initiative chinoise « Belt and Road », suite à des discussions avec des responsables américains préoccupés par la sécurité nationale.
Cette acquisition marque la plus importante opération de BlackRock dans le domaine des infrastructures. Elle reflète la volonté de l’entreprise de diversifier ses activités au-delà de la gestion traditionnelle d’actifs financiers. En 2024, BlackRock avait acquis Global Infrastructure Partners (GIP) pour près de 13 milliards de dollars, renforçant ainsi sa présence dans les secteurs des ports, des aéroports et des centres de données.
Le partenariat avec Terminal Investment Limited, opérateur de ports desservis par la compagnie maritime Mediterranean Shipping, s’inscrit dans cette stratégie d’expansion. Les ports acquis, notamment ceux situés en Asie, revêtent une importance particulière pour les ambitions de croissance mondiale de BlackRock. Laurence D. Fink a déclaré que ces ports « facilitent la croissance mondiale » et renforcent la position de l’entreprise dans le secteur des infrastructures essentielles.
Pour CK Hutchison, cette vente représente une opportunité de se concentrer sur ses opérations en Chine continentale et à Hong Kong, tout en réduisant son exposition aux tensions géopolitiques. Le conglomérat, fondé par Li Ka-shing, l’un des hommes les plus riches d’Asie, détient des intérêts dans divers secteurs, notamment le commerce de détail, les télécommunications et l’énergie. La vente de ses actifs portuaires internationaux permet à l’entreprise de se recentrer sur des marchés clés et de renforcer sa position financière.
ette acquisition pourrait redéfinir les dynamiques du commerce mondial, en renforçant la présence américaine dans des infrastructures critiques en Amérique latine. Elle illustre également la manière dont les entreprises américaines peuvent bénéficier des politiques étrangères axées sur les intérêts nationaux. Cependant, des questions subsistent quant à l’impact de cette transaction sur les relations sino-américaines et sur le rôle du Panama en tant que plaque tournante du commerce mondial.
Les observateurs du secteur financier suivront de près l’intégration de ces actifs par BlackRock et l’évolution des relations entre les États-Unis, la Chine et les pays d’Amérique latine. Cette acquisition pourrait également inciter d’autres entreprises à réévaluer leurs stratégies d’investissement dans des infrastructures sensibles, compte tenu des tensions géopolitiques actuelles.