Grâce à la reprise économique, le déficit de la branche retraite de la Sécurité sociale a été revu à la baisse. Le régime complémentaire des salariés du privé est lui en excédent.
Le principal régime public quasiment à l’équilibre, la grande caisse du privé en excédent et un âge de départ en légère hausse: les derniers résultats du système de retraite contrarient l’urgence d’une réforme “paramétrique” défendue par plusieurs candidats à l’élection présidentielle.
Rien ne va plus, les retraites vont mieux. Percuté par le Covid, le système français et sa quarantaine de régimes avaient accusé une perte globale de 13 milliards en 2020 et le “besoin de financement” était encore attendu entre 7 et 10 milliards l’an dernier, selon le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR).
Mais la situation s’est encore améliorée depuis. Du côté de la Sécurité sociale, la branche retraite a terminé l’année, grâce à la reprise économique, avec un déficit de 2,6 milliards, quand le budget voté en décembre tablait sur un trou de 5,8 milliards. Dans le privé, le régime des cadres et salariés (Agirc-Arrco) affiche même un excédent de 2,6 milliards qui lui a permis de regarnir ses confortables réserves. Malgré la persistance du Covid et la guerre en Ukraine, il n’y a “pas de risque à court terme” pour la caisse, assure son président Didier Weckner.
Report de l’âge légal: des positions difficiles à défendre
Cette meilleure santé des principaux régimes s’explique par la forte reprise économique dans la deuxième moitié de 2021 qui s’est traduite par une masse salariale en progression de près de 9% et donc, par davantage de cotisations.
Un constat qui tranche avec les certitudes des prétendants à l’Elysée qui veulent repousser l’âge légal de départ aujourd’hui fixé à 62 ans. A commencer par le sortant Emmanuel Macron, qui propose un “décalage progressif” à 65 ans car “nous sommes dans une société qui vieillit” et qu'”il est donc normal que nous travaillions plus, surtout compte tenu de la nature des comptes publics”.
Idem pour Valérie Pécresse, qui vise également 65 ans “pour sauver le pouvoir d’achat des retraités”, et pour Eric Zemmour, qui veut passer à 64 ans pour régler le “problème sur la quantité de travail globale des Français”. Des positions plus difficiles à défendre quand les comptes sont déjà proches de l’équilibre.
“Pas d’urgence”
Les syndicats ne se privent pas de le souligner. “Les chiffres démontrent qu’il n’y a pas d’urgence”, affirme ainsi Dominique Corona (Unsa), dénonçant la vision “dogmatique et simpliste” de ces candidats. “Les questions de financement sont incontestablement moins graves que certains aiment à le dire”, juge pour sa part Frédéric Sève (CFDT), “mais elles ne sont pas nulles pour autant”.
Quelques régimes sont en effet dans une position délicate, notamment celui des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers (CNRACL), qui s’attend à un triplement de son déficit de 1 à 3 milliards d’euros d’ici 2025. Le report à 65 ans ne résoudrait toutefois pas l’équation, déséquilibrée par le manque de recrutements d’agents au statut, alors que la caisse des contractuels (Ircantec) accumule les excédents et dispose d’un pactole de 13 milliards.
D’autres se satisfont des règles actuelles, comme les caisses des médecins (CARMF), pharmaciens (CAVP) dentistes et sages-femmes (CARCDSF) qui préfèrent “maintenir un âge minimum de départ à 62 ans”, avec une “majoration pour les départs différés”. La règle actuelle n’empêche d’ailleurs pas la progression constante de l’âge effectif de départ en retraite, reparti en hausse l’an dernier à 62,9 ans en moyenne, sous l’effet de la réforme Touraine qui doit porter la durée de cotisation à 43 ans d’ici 2035 (contre 42 actuellement).
Cela ne suffit toutefois pas à contrecarrer l’impact du vieillissement de la population. Pris dans son ensemble, le système de retraite ne sera pas à l’équilibre avant 15 ans au mieux selon les projections du COR. Mais dans tous les scénarios “le poids des retraites dans la richesse nationale descend naturellement”, objecte Michel Beaugas (FO), qui considère qu'”une mesure d’âge ne se justifie pas aujourd’hui” et rappelle que “les cotisations aussi peuvent augmenter, même si c’est devenu tabou”.