Les tradeurs se lancent dans l’achat d’obligations libanaises à bas prix

L’activité sur les obligations souveraines libanaises en défaut a connu une forte augmentation ces dernières semaines, coïncidant avec l’intensification des opérations militaires israéliennes contre le Hezbollah. Cette situation inhabituelle s’explique par des anticipations de changement parmi les investisseurs, qui espèrent que l’issue de ce conflit pourrait offrir de meilleures opportunités que l’état actuel des choses.

Les tradeurs adoptent une stratégie d’investissement qui repose sur l’idée que l’affaiblissement du Hezbollah, la milice soutenue par l’Iran, pourrait ouvrir la voie à des réformes économiques essentielles au Liban. Ce dernier, plongé dans une crise politique et économique sans précédent, a vu ses obligations vendre à des prix extrêmement bas, laissant entrevoir une opportunité pour ceux qui osent parier sur un retournement de la situation.

D’après Soeren Moerch, gestionnaire de portefeuille chez Danske Bank, bien que le fait d’investir en ce moment au Liban puisse sembler relever du « vœu pieux », cela s’accompagne également d’une dynamique « hautement asymétrique ». En d’autres termes, acheter ces obligations revient à débourser très peu, avec un potentiel de gains significatif si un changement de régime ou une amélioration de la gouvernance intervenait. Moerch souligne que, si le Hezbollah venait à être neutralisé, les prix des obligations pourraient atteindre des niveaux beaucoup plus élevés, représentant ainsi une perspective d’espoir pour les investisseurs.

Historiquement, le Hezbollah a été désigné comme organisation terroriste par les États-Unis et a participé à de nombreux conflits avec Israël, dont une guerre majeure en 2006. Le groupe est également impliqué en politique, occupant des sièges au sein du parlement libanais depuis les années 1990. Le marché des obligations libanaises a réagi à la spéculation autour de l’affaiblissement du Hezbollah, ce qui a conduit à une hausse significative de leurs prix.

Récemment, neuf obligations libanaises libellées en dollars, dont l’échéance s’étend de 2026 à 2037, ont vu leur valeur grimper à environ 9 cents, par rapport à une moyenne d’environ 6,5 cents observée depuis le début de l’année. Cela traduit une augmentation d’environ 40 % de la valeur des obligations en un mois, plaçant le Liban parmi les pays émergents affichant les meilleures performances, même si ces titres restent en situation de défaut et sans progrès significatif vers une restructuration.

Hasnain Malik, analyste chez Tellimer, propose une explication fondamentale à cette évolution des prix des euro-obligations, suggérant que la dégradation du Hezbollah, tant en tant que parti politique qu’en tant qu’entité dominante au sein de l’État, pourrait remodeler la carte politique du Liban. Cependant, la mise en œuvre de réformes substantielles nécessiterait des changements bien plus larges, dont une gouvernance plus favorable au marché.

Malgré cela, les récentes hausses de prix ne sont pas des indicateurs fiables d’un retournement immédiat. Le marché des obligations libanaises demeure profondément dysfonctionnel, avec un environnement où les investisseurs exigent un rendement de 252 points de base supplémentaires par rapport aux obligations d’État américaines pour envisager une exposition au Liban. Ce facteur reflète la perception selon laquelle ces titres sont largement considérés comme trop risqués.

Bruno Gennari, stratège chez KNG Securities LLP, observe que la dynamique actuelle des prix découle d’un optimisme quant à l’affaiblissement potentiel du Hezbollah, qui pourrait conduire à une résolution des problèmes liés aux obligations en défaut du Liban. Le Hezbollah est perçu comme un obstacle majeur aux réformes favorables au marché et à la restructuration de la dette du pays.

Depuis que le Liban a cessé de respecter ses obligations de paiement en 2020, le pays a connu un effondrement de son produit intérieur brut, une hyperinflation qui a plongé une grande partie de sa population dans la pauvreté et un assèchement de ses sources de financement extérieur. Les réformes nécessaires pour sortir de cette spirale descendante, déclenchée par une crise bancaire et un effondrement monétaire, n’ont pas encore été mises en œuvre.

Actuellement, le Liban fait face à une agenda post-conflit difficile pour instaurer des réformes économiques et politiques susceptibles de restaurer la confiance des investisseurs et de relancer les flux de capitaux. Le pays est confronté à une paralysie politique prolongée, avec un gouvernement de caretakership en place depuis 2022 et aucune élection présidentielle réussie depuis lors.

Kaan Nazli, économiste et gestionnaire de portefeuille chez Neuberger Berman Europe Ltd, souligne que l’incertitude demeure omniprésente. Toutefois, un affaiblissement du Hezbollah et un renforcement des institutions pourraient offrir des perspectives d’avancées sur des questions cruciales, telles que l’élection d’un président et la formation d’un nouveau gouvernement capable de mettre en œuvre les réformes exigées par le FMI et d’engager des négociations pour la restructuration de la dette.

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