Les producteurs ont remporté une première manche mercredi face à la distribution, avec l’adoption par le gouvernement d’une ordonnance censée freiner la guerre des prix, mais les paysans maintiennent la pression en protestant partout en France contre “l’agri-bashing” et la hausse de la fiscalité.
Dix-huit mois après le début des Etats-Généraux de l’alimentation lancés par Emmanuel Macron pour redonner du revenu aux agriculteurs, la première ordonnance prévue dans la loi Alimentation récemment votée, a été adoptée en conseil des ministres mercredi.
Elle prévoit trois étapes: à partir du 1er janvier, les promotions sur les produits alimentaires ne pourront pas excéder 34% du prix de vente au consommateur. De facto, les promotions du type “un acheté, un gratuit” seront donc interdites au profit des “deux achetés, un gratuit”.
A partir du 1er février, avec le relèvement du seuil de revente à perte (SRP), aucun produit alimentaire ne pourra être revendu à moins de 10% du prix auquel il a été acheté.
Et, à partir du 1er mars, le volume global des promotions sera limité à 25% du chiffre d’affaires ou du volume prévisionnel d’achat entre le fournisseur et le distributeur fixé par contrats. Cette mesure concernera tous “les contrats en cours de négociation depuis le 1er décembre” précise l’ordonnance.
– Le besoin d’un “gendarme” –
Du côté des producteurs, l’Ania qui représente les industries agro-alimentaires, a salué l’ordonnance, tout en appelant les distributeurs à la “responsabilité” pour “enfin arrêter la guerre des prix”.
Les négociations annuelles entre producteurs et distributeurs ont débuté le 1er décembre dans un climat “de tension”, a précisé l’Ania.
Composé d’une myriade de PME, l’agro-alimentaire, qui souffre déjà des blocages logistiques des “gilets jaunes”, a aussi appelé l’Etat à “s’assurer d’un strict respect de la loi, via contrôles et sanctions”.
Chez les agriculteurs, Christiane Lambert, dirigeante du syndicat majoritaire FNSEA, a pris acte de l’adoption de la première ordonnance.
Mais elle a surtout indiqué que la Fédération restait “vigilante” sur la publication d’une deuxième ordonnance prévue par la loi, qui doit établir le niveau des prix “abusivement bas”.
“Avec ce nouveau code de la route, s’il n’y a pas de gendarme, il n’y aura pas de changement de comportement”, a-t-elle dit à l’AFP, en souhaitant son adoption dès janvier.
Les discussions sur ce sujet sont plus que tendues depuis des mois dans plusieurs filières autour d’un indicateur phare, l’indice du coût de revient.
Les agriculteurs, dont un tiers vivent largement au dessous du seuil de pauvreté, souhaitent que leur salaire soient pris en compte, ce que la distribution rechigne à accepter, habituée à des produits mondialisés à bas prix.
Un signe de détente néanmoins: mercredi, un premier accord tripartite prévoyant un relèvement du prix du lait, a été dévoilé entre les fromageries Bel, l’association des producteurs de lait Bel Ouest et Intermarché.
Sur les autres sujets de mécontentement des paysans, comme “l’agri-bashing” dont ils estiment faire l’objet, et la hausse de la fiscalité, la patronne de la FNSEA a indiqué que des actions sont menées dans “80 départements” cette semaine.
Dans son viseur, le projet de loi de finances, qui devrait relever au 1er janvier la redevance pour pollution diffuse (RPD) de 37 à 77%. Une hausse jugée inacceptable car alourdissant trop les charges.
“Quel secteur d’activité pourrait supporter une telle hausse?”, s’est interrogée Mme Lambert en rappelant que les agriculteurs ont, comme les gilets jaunes, “des problèmes de pouvoir d’achat”.
Mercredi dans le Loiret, pour dénoncer leur “malaise”, une centaine d’agriculteurs ont déversé des pommes de terre et betteraves à Orléans. A Vendôme, dans le Loir et Cher, la Coordination rurale a dénoncé les taxes qui “plombent” les trésoreries.
A Versailles, tout près du château, une trentaine de tracteurs ont fait hurler leurs klaxons derrière une banderole où l’on pouvait lire “Stop aux taxes environnementales”.
“On va avoir entre 3 et 5.000 euros de charges en plus à partir du 1e janvier”, résume David Vallée, qui cultive 200 hectares de céréales près de Rambouillet. “On a du mal à se verser des salaires (…) Ce qu’on demande, c’est des normes pareilles partout au niveau européen” et “pas des transpositions françaises”, dit-il.